Histoire de la Géologie

Histoire du Bassin houiller de Carmaux

 

Le bassin houiller de Carmaux se situe au Nord d'Albi. Il occupe une dépression allongée suivant un axe Nord-Sud et s'étend sur 10 km de longueur et 3 km de largeur maximale. Il est presque totalement recouvert par des sédiments tertiaires dont l’épaisseur atteint une centaine de mètres et n'affleure, sur la terminaison nord, qu'à la faveur de la vallée du Cérou. Les sédiments carbonifères y atteignent 550 à 600 m d'épaisseur. Vingt trois couches de houille d'une épaisseur de 3 à 5 m s'y succèdent.

Le « carbo de pèira » est exploité à Carmaux depuis le Moyen Âge. Au XIIIème siècle, il fait déjà l’objet d’un commerce à Albi. Il est alors exploité par des puits ou de simples grattages dans une zone d’affleurement très restreinte, située de part et d’autre de la vallée du Cérou.
Au 18ème siècle, l’exploitation s’organise et se modernise sous l’impulsion de Gabriel de Solage dit « le Chevalier » qui obtint en 1752 la première « concession » du roi Louis XV.

De Genssane (1779) donnera une bonne description des techniques d’exploration utilisées alors et, fort de son expérience, notamment dans l’aération des mines, prodiguera de nombreux conseils techniques.

Manès (1836) donne les premières informations sur la constitution géologique du Bassin houiller. Il en défini la limite nord et suggère que sa limite nord-orientale est proche. Il établit la présence de terrains métamorphiques sous les dépôts du Houiller, qui sont recouverts vers l’Ouest par le « terrain des Grès bigarrés » qui affleurent dans la vallée du Cérou. Sous ces grès, Dufrenoy et Elie de Beaumont (1841) voient le prolongement du terrain houiller, en direction de l’Ouest.

Servi par le développement de l’industrie, l’exploitation ne cesse de progresser à Carmaux, avec la machine à vapeur et des techniques permettant de foncer des puits de plus en plus profonds.
De Boucheporn (1848) y relève cinq couches de houille, pour une épaisseur cumulée de charbon de 10 à 12 m et évalue les réserves du bassin à « … au moins 5 à 6 siècles… » (au rythme de 100.000 tonnes par an vers 1865). Il est le premier à suggérer l’orientation nord-sud du bassin et l’extension du terrain houiller sous la couverture tertiaire.

L’ingénieur des mines Jean-Emile Grand s’assure, dès 1874-75, que la bordure occidentale du bassin est proche, par le percement de galeries obliques en direction de l’Ouest qui lui montrent la forte réduction des terrains houillers. En 1879, de nouveaux fonçages au Sud de la concession de Carmaux, lui montrent, par contre, une nette tendance à l'enrichissement du gisement (histoire plus complète dans ce site). Dès lors, il est convaincu qu'il faut rechercher le prolongement du bassin vers le Sud et non vers l’Ouest. Il implante en 1882 un premier sondage sur le plateau calcaire de Grand-Camp (actuellement, Cagnac-les-Mines) qui pénètre le 31 juillet 1883 dans le terrain houiller, à la profondeur de 155 mètres. En 1884, il entre, à 263 mètres de profondeur, dans une couche exceptionnelle, d’une puissance de 16,25 m, « la grande couche ». Il aura reconnu au total une épaisseur de charbon de 25,35 m (Costumero & Discours, 2002). La concession des Mines d’Albi est créée.

Bergeron (1887, 1889) limite le bassin Albi-Carmaux, à l’Est, par une grande faille Nord-Sud « postérieure à l’Eocène » (Bergeron, 1889) et, dans plusieurs rapports inédits, montre que l'axe du bassin est marqué par une gouttière synclinale à substratum d’amphibolites. Le Carbonifère formant le substratum de grès et de schistes argileux du Permien inférieur, qui se développe à l’Ouest du bassin, c’est donc dans cette direction qu’il faut positionner de nouveaux sondages de reconnaissance.

D'autre-part, Laromiguière (1890), observant le plongement vers l’Est des amphibolites anté-carbonifères, reconnaît que « son rivage occidental pourrait être plus près que l’on ne l’avait d’abord pensé », ce que confirmera un nouveau sondage de reconnaissance (1892). Le bassin a effectivement une direction nord-sud (Laromiguière 1890, 1892).

On retrouvera dans Boisse (1870) la liste des espèces végétales recueillies au 19ème siècle à Carmaux. Déterminées par Grand-Eury, elles sont datées par lui de la « partie inférieure du terrain houiller supérieur ». Il faut y ajouter les flores déterminées par Zeiller et publiées par Bergeron (1889)(p. 189) ainsi que les listes énoncées par Caraven-Cachin (1902). L’âge de la flore de Carmaux sera précisé au passage Westphalien-Stéphanien par Loubière (1927), puis au Stéphanien inférieur par Bertrand, dans une étude restée inédite de Pruvost (1941).

L’histoire du Bassin de Carmaux débuterait, ainsi, au Stéphanien inférieur, avant celle des autres bassins de l’Ouest et du Sud-Ouest du Massif Central.

 

Etudes récentes

Pruvost (1941) avait regroupé les grès, conglomérats, pélites argileuses et couches de charbon en deux faisceaux de couches. Pierre Vetter géologue des Charbonnages de France, en distinguera trois et établira des corrélations fiables entre les secteurs nord et sud du bassin, à l’aide des repères de paléocinérites (gores et tonsteins). Il note la progradation de leurs dépôts respectifs vers le Nord (Vetter, 1962).

Les premières datations précises sont apportées par les travaux de Doubinger, du CNRS de Strasbourg, et confirment leur âge stéphanien inférieur (Doubinger et Vetter, 1958), âge que des études palynologiques préciseront plus tard au passage Stéphanien A (partie supérieure) - Stéphanien B (partie inférieure) (Doubinger et al., 1965).

Mais la question des limites de la formation à charbon reste posée.
Correspondent-elles aux limites originelles du dépôt ou s’agit il du lambeau résiduel d’un bassin houiller plus vaste dont l’étendue resterait à évaluer ?

A partir des années 70, les études structurales se multiplient à la recherche de possibilités
d’extension des exploitations.

Debrand-Passard et Greber (1975), du B.R.G.M., montrent, qu’au houiller très érodé à son sommet, succède en discordance, une assise stéphano-autunienne non productive dont le dépôt-centre s’est progressivement déplacé vers l’Ouest. Ce qui annule toute chance de trouver du charbon à l’Ouest du Bassin.

Gras (1973, 1978), Ingénieur des Houillères du Bassin d’Aquitaine, synthétise plus d’un siècle de sondages et précise la structure et les limites du Carbonifère de Carmaux. Il fournit une carte « écorché du houiller anté-tertiaire », permettant de reconstituer la dépression réceptrice des dépôts (figure ci-dessous). Il montre la transgression des couches vers le Nord (Gras, 1978). 
- Le Stéphanien A occupe, au Sud du bassin, un étroit sillon centré sur la cuvette de Cagnac et comporte de puissantes accumulations phytogènes et des intercalations stériles grossièrement détritiques.
- Le Stéphanien B déborde vers le Nord le horst de Lintin et la cuvette de Carmaux devient un bassin ouvert dans lequel les sédiments s’étalent de façon assez uniforme, avec des couches de charbon moins épaisses et des stériles au détritique plus fin.
Il met en évidence un système de fractures à jeu synsédimentaires, de direction NW-SE, à regard sud, découpant le Houiller en une succession de lanières de dimension hectométrique alternativement effondrées ou en relief, de direction 140°.



La chronologie de la fracturation sera précisée par l’étude microtectonique des déformations de Bonijoly et al. (1983).

La thèse de Delsahut (1981), dans un des derniers travaux financés par les Houillères du Bassin d’Aquitaine, synthétisera toutes les données stratigraphiques et structurales antérieures. Il s’attachera spécialement à l’analyse sédimentologique et à l’étude de la dynamique de sédimentation du Carbonifère du Sud-Ouest du Massif central.  Il montre le caractère synsédimentaire de la déformation tectonique :
- Déformation et déplacement de l'aire dépôt vers le nord ;
- Directions de zones de subsidence N140 et N70 bien marquées dans la sédimentation ;
- Rythmicité des dépôts probablement liée à des pulsations sédimentaires.
Il expose, pour la mise en place du bassin, plusieurs schémas tectoniques explicatifs, faisant intervenir deux directions structurales et une ouverture en cisaillement au carrefour de deux directions tectoniques séquentes :
- Une direction N-S sur laquelle s'aligne les terrains houillers, vraisemblable prolongement vers le Sud de la dislocation de la Salvetat-Peyralès ;
- Une direction E-W représentée par la faille du Cérou.

Il conclut que le bassin houiller d’Albi-Carmaux ne devait probablement pas avoir une étendue beaucoup plus important qu’actuellement.

Corrélations stratigraphiques dans le bassin de Carmaux, d'après Delsahut (1981)

 

Bibliographie :

Bibliographie du Carbonifère et du Permien du Tarn. Ce site

Un bassin stéphano-permien méconu. Le Bassin de Réalmont. Carrefour tectonique entre massif central et Bassin d'Aquitaine. Ce site.

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