La structure du Massif de la Grésigne
Le Massif de la Grésigne se situe à l’extrémité méridionale des Causses du Quercy, en bordure du Massif Central. Il forme une avancée de terrains permo-triasiques et jurassiques dans la molasse tertiaire de l’Albigeois, ployés en un anticlinal accusé, s’accompagnant de chevauchements dont la flèche atteint plusieurs centaines de mètres. Il s’agit d’un cas exceptionnel de pli d’âge alpin situé en dehors d’un orogène, à une centaine de kilomètres des Pyrénées.
De Boucheporn (1848) avait le premier observé que le large affleurement des « schistes rouges » de la Forêt de la Grésigne « s’élève en masse au dessus des terrains environnants et semble former comme une grande pyramide de terrains rouges.. ».
Fournier, qui est chargé du lever cartographique des formations permiennes et jurassiques des premières éditions des feuilles géologiques au 1.80000e de Montauban (1901) et de Cahors (1899), définit en 1898 le massif de la Grésigne comme un « grand dôme elliptique... sensiblement orienté NNE-SSW, parallèlement à la faille du Cérou et à la faille de Villefranche » et dont « la retombée méridionale devient verticale… puis se renverse vers le Sud ». Il admet que cette structuration est lié à la Faille de Villefranche qui se comporte comme une « direction de résistance contre laquelle se serait formé l’anticlinal de la Grésigne » et interprète sa formation comme le résultat de l’interférence de deux plissements compressifs de directions orthogonales, l’une perpendiculaire à la Faille de Villefranche, l’autre, perpendiculaire à celle des plis pyrénéens.
Péron (1902) ne fait que confirmer le renversement des couches au sud de la Grésigne que Thévenin (1903) décrira sous le terme de « Genou de Merlins ». Tous deux identifient des dislocations qui préfigurent le tracé de la faille de la Vère.
Le "Genou de Merlin" d'après Thévenin (1903, fig. 35)
Ellenberger (1937, 1938, 1943) donne à « l’Anticlinorium de la Grésigne » sa terminologie actuelle. Après une étude tectonique et cartographique détaillée, il le décrit comme un grand pli complexe, formé de trois dômes distincts, à noyau permien séparés par des ensellements à fond triasique (du NE vers le SW, le Dôme de Marnave, le Dôme de Vaour et le Dôme de la Forêt de la Grésigne) (figure ci-dessous).
La carte géologique de la Grésigne de Ellenberger (1938)
Il est le premier à décrire le « chevauchement … de la bordure méridionale de la Grésigne », au regard d’un accident de fond sud-grésignol (figure ci-dessous).
Coupe tranversale de la Grésigne (par Penne et le Merdanssou), d'après Ellenberger (1938)
Il insiste sur le « style tectonique assez spécial » de la Grésigne dont les failles de bordure, comme la faille de la Vère, « sont des failles inverses, nées de la rupture de plis brusques en Z » (figure ci-contre). Coupes de la bordure méridionale |
La deuxième édition de la Carte géologique Montauban (Gèze et al., 1949) illustre pour la première fois les plis pluri-hectométriques qui affectent le flanc nord de l’anticlinorium de la Grésigne, Gèze (1954) décrit comme des « pincées anticlinales et synclinales très resserrées ». Il décrit l’accident sud grésignol comme un « genou bordier dégénéré en pli-faille légèrement chevauchant » et prolonge la faille de la Vère jusqu’à Bruniquel. Pour expliquer tous ces accidents mineurs, il avance une interprétation gravitaire : « la couverture sédimentaire aurait glissé imperceptiblement ».
Le sondage de la Grésigne réalisé par la COPEFA à la recherche d’hydrocarbures, ouvre en 1960 de nouvelles perspectives, en révélant plus 3000 m de pélites permiennes, sans avoir atteint le substratum houiller ou primaire. Dans le rapport de fin de sondage, G. de Ligneris (1961) interprète le massif comme un anticlinal profond et, considérant la présence de zones tectonisées profondes, interprète l’accident sud-grésignol comme un chevauchement (figure ci-dessous).
Coupe interprétative de la Grésigne d'après G. de Ligneris (1961)
Cette interprétation sera contestée par Fabre (1971) qui met en doute l’existence de toute structure tangentielle dans le Permien de la Grésigne et réalise, dans sa thèse de spécialité, la cartographie de détail la plus aboutie du massif au 1/25 000ème. Ses contours seront repris dans les feuilles à 1/50 000 d’Albi (1989) et de Negrepelisse (2000). Il évoque cinq phases tectoniques successives pour sa mise en place.
Les données de sondage et les données géophysiques (Atlas d’Aquitaine, 1974) permettent à Durand-Delga (1979a, b) de proposer une interprétation globale de la structure de la Grésigne. Il montre l’importance de la Faille de la Vère, dans laquelle on ne voyait qu’une fracture locale, qui se superpose en fait à un « linéament ouest-quercynois », que l’on peut suivre sur plus de 150 km, entre Lavaur à Cahors, selon une direction N150°. Cet accident complexe, se prolongerait en direction des Charentes, où il est connu sous le terme de « discontinuité nord-aquitaine ». Au sud de la Grésigne, il rejoint la Faille de Villefranche, délimitant un bloc crustal quercynois, dont la Grésigne est l’avancée la plus méridionale (figure ci-dessous).
Situation structurale de la Grésigne dans le cadre régional, d'après Durand-Delga (1979)
Ce bloc de socle « lourd » (amphibolites ?) serait abaissé entre deux zones dont le socle granitisé est plus léger, à l’Est le Rouergue, à l’Ouest l’Aquitaine orientale. Le jeu tardi-hercynien de ces accidents est à l’origine d’un important fossé permien, le « bassin permien Brive – Grésigne » où se sont accumulés 2 à 4 km de série anté-jurassique et dont Cubaynes (1986) montrera la réactivation au Jurassique inférieur.
L’inversion structurale sous l’effet de la tectogénèse pyrénéenne et la formation, à l’Eocène, du pli de la Grésigne, résulterait du déplacement vers le SSE d’un « coin crustal » quercynois, entre les deux linéaments convergeants qui l’encadrent, et de la déformation, puis du chevauchement de la couverture permo-triasique en un « pli de fond dissymétrique » à vergence sud. L’accident sud-grésignol devient alors l’émergence d’une grande faille inverse de socle ployée superficiellement (figure-ci-dessous).
Coupe transversale interprétative du pli de la Grésigne par Durand-Delga (1979)
Les travaux microtectoniques de Dauch (Dauch et Viallard, 1987 ; Dauch, 1988) vont confirmer les hypothèses structurales en « coin compressif » de Durand-Delga, à l’origine du chevauchement de la Grésigne, en objectivant les mouvements dextres de la Faille de la Vère et senestres de la Faille de Villefranche.
Une nouvelle analyse des carottes du sondage de la Grésigne de 1960 vont révéler, notamment, l’omniprésence des surfaces de friction et de glissement entre les bancs argilo-pélitiques et suggérer aux auteurs une nouvelle interprétation de la structure du massif. Celle-ci pourrait correspondre à une structure écaillée de type duplex, délimitée par des accidents en rampes et paliers. Le dôme de la Grésigne, dont la sismique montre la disparition de la structure anticlinale en profondeur, serait la manifestation superficielle de un ou plusieurs décollements (paliers) au sein des pélites permiennes. Il n’affecterait pas le socle sous-jacent et serait recoupé par des failles dont le pendage se révèle fort en surface (rampes) où elles peuvent s’exprimer par des failles inverses, comme celles qui affectent le flanc nord de la Grésigne (figure ci-dessous).
Coupe structurale interprétative du dôme de la Grésigne par Dauch (1988, fig. 55)
Carte structurale du Massif de la Grésigne, d'après Dauch (1988, fig. 57)
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