Histoire de la Géologie

Le Jurassique. Divisions et étages. Une histoire

par Philippe Fauré


Les divisions du Jurassique

C’est Humbold (1795) qui, se référant au « calcaire du Jura », est à l’origine du concept de Jurassique.

Pour désigner cette période, les auteurs anglais opposaient, depuis la fin du 18ème siècle, deux termes successifs distincts, le Lias, à la base (de Layer, utilisé par les carrier du S-W de l’Angleterre) et celui d’Oolithe, au-dessus (de calcaire oolithique).
Cette terminologie est popularisée en France par Dufrenoy et Elie-de-Beaumont (1848) qui l'utilisent pour diviser « les temps jurassiques » en quatre grands « étages » : le Lias ; l’Oolithe inférieure ; l’Oolithe moyenne ; l’Oolithe supérieure.

Cette division du Jurassique en Lias et Oolithe sera utilisée par la plupart des auteurs, jusqu’à la fin du XIXème siècle.
Le traité de Haug (1910), veut clarifier la classification et l'auteur donne au Jurassique la valeur d'un Système à part entière et le divise clairement en deux Sous-systèmes, le Lias et l’Oolithique.

Puis le terme d'Oolithe est progressivement abandonné par celui de Jurassique et il n'est pas rare, au début du XXème siècle, de voir opposer par les auteurs, les deux termes de Lias et d'Oolithe, le Lias étant bien séparé du reste du Jurassique.

Les auteurs allemands avaient, bien avant, adopté une division en trois parties, héritée de la subdivision du Jurassique de von Buch (1837) en trois grandes séquences : Schwarzer Jura, Brauner Jura et Weisser Jura.
Cette division tripartite est formalisée par Oppel (1856) qui divise ainsi le Système Jurassique en trois Sous-systèmes, le Jurassique inférieur, le Jurassique moyen et le Jurassique inférieur.
Il désigne ces trois Sous-systèmes, respectivement, par les termes de Lias, de Dogger et de Malm.

Cette division considérée comme prioritaire par les colloques sur le Jurassique de 1962 et de 1971, sera universellement adoptée.

Les étages du Jurassique

Les étages géologiques sont introduits de 1842 à 1849 par d’Orbigny sur le concept que chaque extinctions massive des espèces était suivie d'une période du ré-établissement de faunes plus ou moins totalement renouvelées, et qu’il était possible de corréler ces périodes sur une grande échelle géographique. Il nomme ces périodes des étages géologiques.
En se référant à une localité-type, d’Orbigny décrit et énumère, pour chacun, une liste de faunes spécifiques.

Les étages du Jurassique sont, pour la plupart, toujours en vigueur et seules leurs limites ont pu, depuis, être adaptées. Leur utilisation en Aquitaine est introduite par Magnan (1869).

Les étages du Jurassique inférieur ou Lias

L’Hettangien : L’étage est proposé par Renevier (1864) en référence aux Grès d’Hettange (Moselle), pour désigner la partie inférieure du Sinémurien, au sens de d’Orbigny, période que la plupart des auteurs continuaient à désigner sous le terme imprécis d’Infralias*.
Les dépôts de transitions entre Trias et Lias à Avicula contorta sont attribués à l’étage Rhétien de Gumbel (1861). Cet étage sera rattaché au Trias en 1961 sur décision du Colloque sur le Jurassique de 1962.

Le Sinémurien : Conçu à l'origine par d'Orbigny (1849) pour désigner l'ensemble des terrains du Lias inférieur, entre "Saliférien" (Trias) et "Liasien" (Pliensbachien), l'étage désigne, dans sa nouvelle acception, les seules « couches à Gryphées arquées » dont le stratotype se trouve à Sémur-en-auxois (Côte d’Or).
L'étage sera amputé, à sa partie supérieure, par la création par Haug (1910) de l’étage Lotharingien. Ce terme, synonyme de Sinémurien supérieur, est couramment utilisé en France jusqu’à nos jours, mais n’est pas accepté par la communauté internationale.

Le Pliensbachien (de la localité de Pliensbach en Allemagne) est proposé par Oppel (1858) pour remplacer le terme de Liasien de d’Orbigny dont le nom ne dérivait pas d’un nom de localité. De façon parallèle, mais plus tard, le terme de Charmouthien avait été proposé par Mayer-Eymard (1884) et pourtant adopté par la classification des étages de Haug (1910). L’étage est divisé en deux sous-étages, le Carixien et le Domérien.

Le Toarcien : L’étage de d’Orbigny (1850) (de Thouars, Deux-Sèvres) est universellement adopté, bien que ses limites aient été souvent discutées. Sa limite supérieure se voit notamment amputée de la Zone à Opalinum par la création, entre Toarcien et Bajocien (sensu d’Orbigny) de l’étage Aalénien.

* A propos de l’Infralias
Le terme est introduit par Leymerie (1838) pour désigner la seule partie inférieure du Système Jurassique située entre les couches triasiques et le Lias inférieur à Gryphées arquées. Pour ces couches, mais aussi pour désigner l’ensemble des couches à gryphées, d’Orbigny avait crée en 1849 un étage Sinémurien dont la conception était élargie à l’ensemble du Lias inférieur. C’est pourtant une acception restreinte de l’étage qu'exposent la plupart des auteurs, laissant à l’Infralias un large espace, entre Trias et Sinémurien.
Renevier propose en 1864 l’étage Hettangien pour remplacer le terme d’Infralias dont le nom ne dérive par d’un nom de localité. Il sépare également de son nouvel étage les niveaux inférieurs à Avicula contorta pour lesquels il préconise l’utilisation du Rhétien, terme nouvellement créé par Gumbel (1861) dans les Alpes bavaroises. Le terme d’Infralias restera encore utilisé par les auteurs avec des acceptions très variables. Magnan (1869), Péron (1873), Mouret (1887) y placent par commodité l’ensemble des couches saumâtres qui assurent, dans le Quercy, la transition entre les grès du Trias et le masse des brèches dolomitiques « sinémuriennes ». Selon ces auteurs, l’Infralias représente donc l’équivalent de l’actuel Rhétien et de l’Hettangien « inférieur ». Cette attitude est couramment adoptée par les géologues, notamment pyrénéens, à la fin du XIXème siècle. Fournier (1898), Glangeaud (1895), puis Thévenin (1903) utiliseront encore le terme d’Infralias par commodité, cette fois en synonyme du seul étage Rhétien.


Les étages du Jurassique moyen ou Dogger

L’Aalénien : l’étage est proposé par Mayer-Eymart (1864) pour désigner les trois premières zones du Bajocien inférieur de Oppel (1858). Il est longtemps peu utilisé ou avec des acceptions variables. Ainsi, Haug utilise l’étage avec une acception étendue aux deux dernières zones du Toarcien, et place l’étage dans le Lias. Cet usage est fréquemment retrouvé chez les auteurs français du début du 20ème siècle (Dubar, Ellenberger,…). L’Aalénien est reconnu comme étage indépendant par les colloques sur le Jurassique (1962, 1967).

Le Bajocien : L’étage de d’Orbigny (1850) défini dans les environs de Bayeux (Calvados) est universellement adopté mais ses limites, inférieure et supérieure, ne seront fixées que plus tard.

Le Bathonien : L’étage est défini par d’Orbigny (1850) en référence à une terminologie anglaise (Omalius d’Halloy, 1843) qui désignait les formations de l’Oolithe inférieure de Bath dans Wiltshire.

Le Callovien : L’étage est défini par d’Orbigny (1850) en référence aux Kellaways-clay (Wiltshire). Ses limites ne seront pas fixées avant le colloque sur le Jurassique de 1962.


Les étages du Jurassique supérieur ou Malm

L’Oxfordien : En proposant cet étage, d’Orbigny (1852) consacre une terminologie très ancienne ; Oxford clay (Buckland, 1818) traduit en « marnes oxfordiennes » par Brongnard (1829).
L’étage Corallien créé par d’Orbigny pour désigner les formations carbonatées très diverses, interposées entre Oxfordien et Kimmeridgien, n’eu pas le même succès et est rapidement abandonnée.
Parallèlement étaient créés, par divers auteurs, de nouveaux termes pour désigner des faciès situés dans la partie supérieure de l’Oxfordien, passant rapidement au rang d’étages, ou de sous-étages de l’Oxfordien. Parmi eux, les sous-étages Argovien, Rauracien, Séquanien, consacrés par la classification des étages de Haug (1910), ont connu un certain succès, avant d’être définitivement abandonnés lors du colloque sur le Jurassique de 1962 pour revenir à la définition du « grand » Oxfordien de d’Orbigny.

Le Kimméridgien : La définition de l’étage est donnée par d’Orbigny (1851) pour consacrer l’usage déjà ancien des Argiles de Kimmeridge (Dorset).

Le Portlandien : Avec cet étage, d’Orbigny (1849) consacre encore un usage ancien, celui du « Portland-stone » (Dorsetshire). L’étage Purbeckien, nommé en référence aux « Purbeck-sand », désignant un faciès continental du Portlandien, n’est plus utilisé au rang d’étage (Portlandien à faciès Purbeckien).

Suite. Le Lias du Quercy. Les précurseurs

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