Histoire de la Géologie

Le Jurassique inférieur de la Grésigne et du Quercy.
Travaux du XXème siècle

Par Philippe Fauré

Premieres synthèses

Thévenin (1901, 1903) effectue la première synthèse géologique à l’échelle du Quercy et du détroit de Rodez.
A la suite de Fournier, il place dans le Rhétien les faciès de calcaires en plaquettes situés à la base du Lias, « dans lesquels il retrouve le niveau à Bone bed du nord du Plateau central ».
Comme lui, il ne peut subdiviser l’ensemble Hettangien-Sinémurien par des fossiles mais constate le processus irrégulier de dolomitisation « per ascensum » qui affecte ces calcaires dolomitiques et est le premier à décrire le processus d’altération qui les transforme en cargneules. Le passage aux dépôts marneux du Lias moyen est, pour lui graduel, « sans ravinement des calcaires sinémuriens… ni trace d’une transgression ».
Dans le Lias moyen, il distingue les quatre zones d’ammonites classiques désignées par Oppel en Allemagne : « zone à Polymorphites jamesoni ; zone à Lytoceras fimbriatum et à Aegoceras capricornu ; zone à Amaltheus margaritatus ; zone à Amaltheus spinatum ». Il souligne avec justesse l’analogie entre les ammonites du Quercy et les ammonites des Causses que venait de décrite Reynès « dont les analogues existent dans le Lias alpin et paraissent faire défaut au Nord et à l’Ouest du Massif central » 
Dans le Toarcien, il distingue cinq des six zones de Oppel dans les marnes toarciennes : « zone à Falciferum, ; zone à Bifrons et à Commune ; zone à Jurense ; zone à Aalense et à Opalinum) mais ne peut identifier en Grésigne les « Schistes à Posidonomyies » (nos Schistes cartons) qui constituent la base du Toarcien dans le Nord du Quercy.
Comme l’avaient fait Mouret et Fournier, il place dans le Toarcien supérieur le « niveau à Gryphaea sublobata », au niveau de la Zone à Aalense, et le suit jusqu’aux environs de Villefranche-de-Rouergue.

Il note bien les variations de puissance qui affectent la série liasique du Nord au Sud du Quercy et conclut que « la région de Capdenac... avait formé un haut-fond... qui porte à considérer que les rivages ne devaient pas être éloignés » (figure ci-dessous).
Il montre qu’il y a communication à diverses époques du Lias « entre l’Aquitaine et la région des Causses par le Détroit de Rodez ».

Ellenberger (1937) reprends les mêmes divisions stratigraphiques. Il affirme la « concordance absolue » entre les grès du Trias et les « calcaires en plaquettes » fossilifères qu’il place, comme Fournier et Thévenin, dans le Rhétien « malgré l’absence de l’Avicula contorta ».
L’auteur introduit l’étage Aalénien dans la nomenclature stratigraphique du Quercy et, conformément aux conceptions de Haug, y place les niveaux à Harpoceras aalense et à Gryphaea sublobata qui prennent alors place dans la partie inférieure de l’Oolithique.

Gèze et Durand-Delga (1943) découvrent le bivalve Posinonomya bronni dans le Toarcien et font la première observation, dans la région de la Grésigne, du faciès dit « Schistes carton » qui renferme également « Harpoceras falciferum ».

Gèze, Durand-Delga et Cavaillé (1947) dans un premier essai sur l’évolution sédimentologique des dépôts liasiques de Grésigne, sont les premiers à évoquer le caractère discontinu de la sédimentation qui dessine trois cycles séparés par des lacunes : « entre le Sinémurien et le Charmouthien », ou par des périodes régressives : « Charmouthien à Pseudopecten aequivalvis » ; « banc à Gryphaea sublobata ». Ils montrent que ces derniers se chargent d’oolites ferrugineuses au Nord de Saint-Antonin. La fin du Lias est marquée par une phase de déformation tectonique qui induit la discordance cartographique du Bajocien qui peut reposer sur des niveaux variés du Toarcien, voire du Charmouthien.

Lignite des Gardelles : Le gisement se situe au Sud de Larroque. Il est découvert par Caraven-Cachin en 1883 (in Caraven-Cachin 1898) qui le situe dans les marnes du Charmouthien. Fournier (1989) le cartographie dans l’Aalénien alors que Thévenin (1903) en fait du Toarcien. Ellenberger propose aussi un âge Aalénien pour ces niveaux. Durand-Delga (1958) situe le gisement dans la partie moyenne des marnes toarciennes à égale distance des calcaires gréseux à Pseudopecten aequivalvis (Domérien), au-dessous, et des calcaires à Gryphaea sublobata de l’Aalénien, au-dessus ». Bien qu’il n’ai pu retrouver la couche de jais compact signalée, des fouilles suggèrent à Cubaynes (1984, 1986) que le Lignites des Gardelles se place au sein des Schistes cartons à un âge Toarcien inférieur, Zone à Serpentinum.

 

La période moderne

Depuis la fin des années 1950, la recherche pétrolière est à l’origine d’une révolution des techniques de datation par l’utilisation des microfossiles, sur coupe mince ou sous formes dégagées. Dès lors, la plupart des études intégreront une part plus ou moins importante de micropaléontologie.
C’est à l’occasion du Colloque sur le Lias de Chambery (1961) que trois géologues de la Société Esso Rep Séronié-Vivien, Magné et Malmoustier vont livrer la première synthèse stratigraphique du Lias de la Bordure est-aquitaine intégrant les données de subsurface accumulées en Aquitaine par la société, et l’étude d’un certain nombre de coupes relevées entre les Charentes à la Grésigne. Un premier inventaire des microfaunes de foraminifères et d’ostracodes y est donné.

A la même période, à partir de 1950, d’importants travaux sont menés dans la région de Figeac, autour de Mme Lefavrais-Raymond.
Les progrès de la paléontologie des ammonites et la reconnaissance des principales zones d’ammonites du Pliensbachien et du Toarcien lui permettent d’affiner les corrélations stratigraphiques (1950, 1961, 1970, 1978) et de reconnaître le caractère condensée et discontinu de la sédimentation. Elle fournit la première cartographie des hauts-fonds carixiens de la région de Figeac.
La découverte d'une microfaune (1961) et d’ammonites lotharingiennes (Paltechioceras elicitum,…)(1950, 1961) remaniées dans le premiers niveaux du Lias moyen (zone à Ibex) lui permet de placer les « Calcaires gréseux de Magnan » dans le Lotharingien et d’insister sur l’importance de la coupure sédimentaire qui clôture le Lias inférieur.
L’étude paléogéographique des dépôts associés à cette grande discontinuité est à l’origine du concept, toujours d’actualité, de « crise lotharingienne » (Lefavrais-Raymond et Lafaurie, 1978).
Les connaissances accumulées sur le Lias de la région de Figeac seront synthétisée en 1978 dans un supplément de Quercy-Recherche (Renault et al., 1978), illustré, notamment, par plusieurs planches d’ammonites.


Série stratigraphique du Lias des environs de Figeac par Lefavrais-Raymond, 1961

Les études de terrain sont complétées par la mise à disposition de plusieurs sondages effectués dans les environs de Figeac par la Compagnie royale Asturienne, sondages destinés à reconnaître l’extension des minéralisations de blende et de galène. Ils permettent à Lefavrais-Raymond et Launey (1962) de préciser la paléogéographie des dépôts lenticulaires du Lias moyen que Le Calvez et Lefavrais-Raymond (1961) complèteront par étude micropaléontologique du Domérien inférieur.
Cette étude préliminaire sera complétée pour les importants travaux de thèse de 3ème cycle de Dépêche (1967) sur la micropaléontologie du Lias.


La thèse de 3ème cycle de Fabre 1971 va profiter de toutes les études menées dans le Quercy central et des progrès de la micropaléontologie. Elle représente une importante avancée dans la connaissance du Jurassique de la région de la Grésigne.
A la lumière des travaux effectués dans le Bassin de Brive (Lesage, 1968), il estime que la base de l’Hettangien se situe dans les « grés supérieurs ». Confirmant l’intuition de Magnan, les « Calcaires en plaquettes » lui fourniront les premiers mollusques d’affinité hettangienne : Parallelodon hettangiensis, Cuneigervillia rhombica, Pteromya aff. wilkesleyensis (Durand-Delga et Olive, 1959 in Fabre, 1971).
Dans le Lias, il effectue une étude méthodique des microfaunes dégagées (Lagénidés, Ostracodes). La présence d’un ostracode lui permet de confirmer l’âge lotharingien d’une partie, au moins, des « Calcaires à grains de quartz » qui étaient considérés depuis Magnan (1869) comme appartenant au Lias moyen.
Mais ce sont ses récoltes d’ammonites et de brachiopodes qui lui permettent les précisions stratigraphiques les plus intéressantes : Dans les « Calcaires en rang de pavés », il identifie le Carixien supérieur (zone à Davoei) ; sur le hard-ground qui surmonte les « Calcaires à Pecten aequivalvis », il trouve le Toarcien basal (zone à Tenuicostatum) ; suivent les « Schistes cartons » (du même âge) ; les « marno-calcaires à Gryphaea sublobata (et G. pictaviensis) » comportent deux niveaux caractérisés par Pleydellia gr. mactra, à la base, Pleydellia (Walkericeras) arcuata, au sommet.

Succession lithologique du Lias de la Grésigne par Durand-Delga, 1979, d'après Fabre 1971


A la même période débutent les travaux de Delfaud qui livre lors de sa thèse (1963) et dans plusieurs articles (Delfaud, 1967, 1972) une ébauche de découpage lithostratigraphiques du Jurassique quercynois en « séries » préfigurant les formations que l’on utilise encore (figure ci-dessous) :
- Lias inférieur : Calcaire de Siecq,
- Lias moyen : Série de Capdenac,
- Lias supérieur : Série de Saint Antonin.
En 1972, il applique le premier au Jurassique de la bordure est-aquitaine, les concepts de l’étude séquentielle par l’éxamen des enchainements de dépôts et des suites de faciès. Il découpe l’ensemble du Jurassique (Delfaud, 1980) en trois mégaséquences de 4ème ordre contrôlées par le contexte tectonique et les rythmes climatiques. La séquence inférieure, uniquement liasique, y est découpée en quatre mésoséquences.

 

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