Le Jurassique inférieur de la Grésigne et du Quercy.
Les travaux récents
Par Philippe Fauré
Dans les années 80, plusieurs importants travaux réalisés dans le cadre de thèses d’état ou de spécialité, ont permis de renouveler les conceptions par un examen approfondi des faciès et des contenus macro- et micropaléontologique, combiné à des analyses lithostratigraphique, sédimentologique et séquentielle détaillées.
La thèse de Megelink-Assenat (1982, 1984), synthétise les données récentes sur le Trias et le Lias inférieur du Quercy, élabore un premier découpage lithostratigraphique du Lias inférieur et apporte les premières interprétations sédimentologiques sur la transgression liasique.
La séquence liasique débute partout au sein d’un épandage détritique, les « Grès de la Madeleine », bien datées à sa partie supérieure de l’Hettangien inférieur par des palynoflores à Classopollis découvertes par Lesage (1968), et dont l’âge est confirmé par Grignac et Taugourdeau-Lantz (1982) et Grignac (1983).
Boutet (1980), à qui l’on doit l’étude palynologique la plus aboutie du Lias quercynois, nous montre que, dans la Grésigne, la partie inférieure de cette formation détritique serait encore triasique (Norien – Carnien). Les associations palynologiques nous éclairent sur les paléoclimats et montrent l’opposition entre un climat chaud et sec à l’Hettangien suivi d’une relative humidification au Sinémurien, et un climat chaud et humide, de type tropical, au Lias moyen et supérieur.
La thèse de Cubaynes (1986) sur le Lias du Quercy, combine tous les aspects modernes de la stratigraphie : paléontologie, sédimentologie, paléoécologie. En découlent un découpage lithostratigraphique et une interprétation séquentielle renouvelés (Cubaynes et al., 1984). La mégaséquence d’ouverture du Lias quercynois intègre, dès lors, dix formations et quinze membres, agencés en quatre séquences de 3ème ordre.
Ce découpage repose pour la première fois sur l’établissement préalable d’une échelle stratigraphique rigoureuse calquée sur la biozonation standard des zones d’ammonites et sur l’étude approfondie des peuplements fossiles. Pour ce, l’auteur a su s’entourer de nombreux spécialistes : Ph. Fauré, R. Mouterde, J.L. Dommergues pour les ammonites ; Y. Alméras pour les brachiopodes ; C. Ruget pour les Nodosariidés ; S. Freinex pour les bivalves (1984) ; M. Feist pour les Charophytes (1984), A.M. Bodergat et B. Andreu pour les ostracodes, B. Courtinat pour les Scolécodontes, Roux pour les crinoïdes. Les apports stratigraphiques sont multiples. Pour les principaux :
- Datation à l’Hettangien inférieur et description des associations de bivalves, autrefois cités par Magnan, puis Durand-Delga (Fm. du Maillet) (Freinex et Cubaynes, 1984) ;
- Datation au Sinémurien supérieur du sommet des calcaires du Lias inférieur (Fm. de Planioles) et des « Calcaires à grains de quartz » (Fm. de Cavagnac) (Cubaynes et al., 1984) ;
- Découverte et description des premières graines de Charophytes dans le Sinémurien : Latochara durand-delgai (Feist et Cubaynes, 1984) ;
- Description de très nombreux taxons de Nodosariidés, dans le Pliensbachien et le Toarcien, et établissement d’une biozonation par les foraminifères benthiques (Cubaynes et Ruget, 1983 ; Ruget et al., 1988, 1989) ;
- La stratigraphie détaillée des successions d’ammonites du Toarcien permet de reconnaître 26 des 29 horizons alors décrits dans le stratotype du Poitou (Cubaynes et Fauré, 1981 ; Fauré et Cubaynes, 1983). Une même précision est obtenue pour le Pliensbachien (Cubaynes et al., 1984). L’espèce Protogrammoceras occidentale y est décrite (Dommergues et al., 1982).
Une synthèse sédimentologique et paléogéographique à l’échelle de la partie méridionale de la bordure est-aquitaine résulte de tous ces travaux. Le modèle morpho-structural du Quercy méridional développé par Cubaynes, mainte et mainte fois repris depuis dans la littérature (figure ci-dessous), montre un bassin de direction N-S, effondré au Lias entre deux accidents ; à l’Ouest, la faille de Villefranche ; à l’Est, le linéament ouest-quercynois. La région la plus subsidente se situe à l’extrémité méridionale du bassin (Cubaynes, 1986).
Avec Ch. Ruget de l’Université catholique de Lyon se nouera une longue collaboration autour de l’étude des microfaunes de Nodosariidés. Ayant constaté dès 1985 (Cubaynes et Ruget, 1985, 1988), la sensibilité particulière de ce foraminifère benthique aux fluctuations du milieu marin, le contenu des biocénoses, la morphologie dominante des individus, les modalités de renouvellement de ces faunes, seront systématiquement étudiés et confrontés aux variations des conditions paléoécologiques.
L'évolution du foraminifère Lenticulina dans le Toarcien de la coupe de Penne,
d'après Cubaynes et al., 1990
La précision des résultats lithostratigraphiques et paléoécologiques obtenus, ont permis au Lias du Bas-Quercy de devenir le « laboratoire » de vérification et de validation des tous nouveaux concepts de la stratigraphie séquentielle (Cubaynes et al., 1989 ; Rey et Cubaynes, 1991 ; Rey, 1994).
La constatation qu’il existe un lien entre la composition des peuplements de microfossiles et le prisme eustatique de dépôt (Cubaynes et al., 1989, 1990), ouvriront un important champ d’investigation exposé dans de nombreuses publications échelonnées de 1989 à 1994 (Cubaynes et al., 1989, 1990, 1995). A partir de 1991, ces études sont formalisées par l’analyse statistique des associations avec le soutien de L. Bonnet, du Laboratoire de Biologie quantitative de l’Université de Toulouse (Bonnet et al., 1991, 1992a, 1992b, 1993 ; Rey et al., 1993,1994 ; Cubaynes et al., 1995).
Des études similaires seront plus tard menées dans le même esprit dans le Quercy septentrional autour des thèses de spécialité de Quajoun (1993) sur le Toarcien et de Brunel (1997) sur le Pliensbachien (Quajoun et al., 1992 ; Brunel et al., 1995).
Plusieurs synthèses paléontologiques, à l’échelle de l’ensemble de la Bordure est-aquitaine, verront ainsi le jour, pour l’étude des Ostracodes (Andreu et al., 1993) et celle des brachiopodes (Alméras et Fauré, 2014).
L’un des derniers travaux effectués sur le Jurassique du Quercy sera la thèse de C. Lezin (Lézin et al., 1997 ; Lézin, 2000 ; Lézin et al. 2000) qui a particulièrement analysé les termes de passage du Lias au Dogger.
Cette étude intègre, de façon multi-disciplinaire, l’analyse méthodique des faciès, la sédimentologie, la minéralogie des argiles, dans un cadre biostratigraphique rigoureux donné, pour le Toarcien terminal (Zones à Pseudoradiosa et à Aalensis) par les ammonites à l’échelle de l’Horizon (Lezin et al., 1997).
Elle précise le contrôle respectif des facteurs cycliques dans l’agencement des dépôts et leur organisation paléogéographique, au cours de cinq stades d’évolution tectono-sédimentaire.
- un contrôle d’échelle globale, d’origine eustatique, à l’origine du synchronisme relatif des séquences (figure ci-dessous).
- un morcellement polyphasé du bassin quercynois d’origine tectonique en une mozaïque de blocs d’où se dégage une morphologie en deux sous-bassins séparés par le Haut-Fond de Figeac-Capdenac (voir chapitre Dogger).
L’ensemble de ces données seront reprises dans le livret-guide de l’excursion GFEJ-AGSO (Cubaynes et al., 2004)
Plus récemment, les événements associés à l’événement anoxique global du Toarcien inférieur ont intéressé les géologues qui ont réalisé une étude géochimique des faciès « Schistes carton » du Toarcien inférieur du Quercy (Emmanuel et al., 2006).