LES GISEMENTS DE VERTEBRES FOSSILES DU TARN
HISTORIQUE DES DECOUVERTES ET REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
LE LUDIEN (EOCENE SUPERIEUR)
LITHOSTRATIGRAPHIE
Succédant au Bartonien molassique, les sédiments du Ludien est-aquitains forment un relief de cuesta étiré, entre l’Aude et le Tarn, sur plus de 100 km. Ce relief, que Ch. Jacob nommait la « Crête ludienne », est permis par la présence dans ces formations de plusieurs niveaux carbonatés. Il peut se suivre depuis les environs de Mirepoix (Hounoux, Mireval-Lauragais) et de Castelnaudary (Mas-Saintes-Puelles, Villeneuve-la-Comptal), jusqu’au Seuil de Naurouze qu’il franchit pour se poursuivre dans le Tarn en direction de Saint-Félix-de-Lauragais, Puylaurens, Damiatte, Lautrec, Réalmont, Dénat et Puygouzon où les formations ludiennes disparaissent à la latitude de la rivière Tarn, pour passer latéralement à des argiles à graviers.
Carte géologique synthétique du bassin du Castrais. La "Crête ludienne"
est matérialisée par le niveau 2-c, de la légende
Notre inventaire des données paléontologiques existantes et leur corrélation avec le cadre stratigraphique tel qu’il est établi, notamment, par les travaux de Mouline dans le Tarn, nous permettent de constater que l’étage Ludien est représenté, dans le Tarn, par quatre formations lithologiques, deux couches molassiques intercalées de deux barres de calcaire lacustre :
- Le niveau calcaire inférieur, désigné depuis Vasseur Calcaire de Cuq-lès-Vielmur - Ronel, est une barre de calcaire lacustre d’épaisseur irrégulière, lenticulaire et discontinue dans la partie méridionale du Tarn, qui trouve son épaisseur maximale dans les secteurs de Réalmont et de Dénat (7 m) où il renferme une malacofaune particulièrement riche (Biomphalaria vasseuri, Ischurostoma minutum, Galba longiscata,…). Il n’a pas fourni de vertébrés dans le Tarn.
Il serait, d’après les travaux de Vasseur, équivalents aux Calcaires de Hounoux - Mireval-Lauragais de l’Aude, qui ont fourni des vertébrés du Ludien inférieur (Astre, 1933), attribuables au niveau d’Euzet, et que l’on place actuellement dans la Biozone MP 17.
Carrière de Gédoul (Ronel). Le Calcaire de Ronel y est activement exploité pour la Chaux
- Les molasses intermédiaires, dites Molasse de Blan, correspondent à une cinquantaine de mètres de limons argileux, d’épandages gréseux plus ou moins chenalisés et de barres de conglomérats à galets impressionnés d’origine paléopyrénéenne.
Les fossiles y sont rares dans le Tarn central où le Xiphodon gracile de Cuq-lès-Vielmur permet une datation au Ludien « supérieur », Biozone MP 18 (Sudre et al., 1992).
Dans la région de Réalmont, les niveaux gréso-conglomératiques qui, à la base de la Molasse de Blan (partie inférieure des Argiles de Notre-Dame de la Drèche sensu Mouline), surmontent le Calcaire de Ronel fournissent, par contre, une riche faune mammalogique attribuable à la Biozone MP 18.
Colonne stratigraphique, ensembles lithostratigraphiques, étages géologiques et principaux repères biochronologiques MP du Tertiaire continental des bassins du Castrais et de l'Albigeois
En gras, les formations ludiennes
- Le niveau calcaire supérieur est désigné depuis Vasseur sous le nom de Calcaire de Saint-Martin-de-Damiatte, localité où ils constituent une barre unique de calcaire lacustre d’une dizaine de mètres, environ (Mengaud, 1940).
Dans le secteur de Lautrec, ces calcaires semblent se résoudre en plusieurs niveaux qu’il est difficile de synchroniser, dont l’un correspond au Calcaire inférieur de Lautrec (sensu Mouline, 1998). Plus au nord, encore, l’un de ces bancs doit correspondre au Calcaire de Marssac de Vasseur. Le Calcaire de Saussenac, situés à l’Est d’Albi, semblent avoir le même âge, ainsi que le Calcaire de Varen (dans le Tarn et Garonne) (1).
Le Calcaire de Damiatte et le Calcaire inférieur de Lautrec n’ont pas fourni de fossile de vertébrés dans le Tarn. Le Calcaire de Marssac et le Calcaire de Saussenac ont, par contre, anciennement livrés divers ossements de Paléothères d’affinité ludienne, pour 'essentiel encore inédits. Quand au Calcaire de Varen, il est précisément daté de la Biozone MP 19 par Muratet et Cavelier (1992).
Depuis Vasseur, cet ensemble carbonaté « supérieur » est réputé équivalent latéral des Calcaires de Villeneuve-la-Comptal et de Mas-Saintes-Puelles de l’Aude, qui ont fourni une des plus riches faunes de vertébrés du Ludien « supérieur » aquitain et que l’on peut corréler avec les Biozones MP 19 et MP 20 (Sudre et al., 1992). Cette équivalence latérale n’a, depuis, été remise en cause par aucun des auteurs (Richard, 1946 ; Castéras, 1956). Elle pose cependant le problème de la continuité latérale des niveaux carbonatés puisque les molasses sus-jacentes (voir ci-dessous) sont également datées de la Biozone MP 19 dans le Tarn.
- Les molasses supérieures. Cette formation argilo-gréseuse est intercalée entre le Calcaire de Damiatte et le Calcaire d’Albi (à Melania albigensis) qui constitue la base de l’Oligocène. Elle répond à la définition des Molasse de Puylaurens de Vasseur (1893), reprise par Castéras (1956) et Mouline (1889). Astre (1959) a cependant souligné, à juste titre, l’ambigüité de cette définition car Vasseur avait confondu le Calcaire d’Albi, quasiment inexistant dans le secteur de Puylaurens, et le Calcaire de Gamanel qui constitue en réalité un prolongement méridional des Calcaires de Cordes et de Briatexte. C’est la raison pour laquelle il substitue le terme de Molasse de Puylaurens, dans sa définition originèle, par celui de Molasse d’Enlauze.
Les épandages de conglomérats d’origine paléopyrénéenne y sont nombreux.
Au voisinage de Lavaur, un niveau argileux moyen de cette assise a livré la riche faune ludienne dite de la briqueterie de Pont-d’Assou, datée de la Biozone MP 18-19 par Sudre et al., (1992), MP 19 par Aguilar et al. (1997) (2).
A noter que la présence à Pont-d’Assou du rongeur Theridomys bonduelli, taxon classiquement inféodé à la biozone MP 20 (Legendre, 1997) nécessiterait, si la détermination de Astre est exacte, de rajeunir légèrement l’âge du gisement.
Carrière de Puech Duc, à Montdragon. La Molasse d'Enlauze (entre les deux traits noirs) est intercalée entre le Calcaire inférieur de Lautrec (= Calcaire de Marssac) et le Calcaire d'Albi qui s'étale sur le causse de Sieurac dont la base
(trait noir haut) représenterait la limite entre l'Eocène et l'Oligocène.
La limite supérieure du Ludien, qui coincide avec la limite entre l’Eocène et l’Oligocène, ne peut pas être située avec certitude sur des bases paléontologiques. Nous renvoyons le lecteur à la discussion sur le présent site.
Notes
(1) - Le Calcaire de Varen, parfaitement daté du Ludien, Biozone MP 19, est placé par Muratet et Cavelier (1992) en équivalence du Calcaire d’Albi (à Brotia albigensis). Son équivalence avec les Calcaires de Marssac et/ou de Saussenac est donc plus vraisemblable.
(2) - Le gisement de Pont-d’Assou est important car il fournit localement un précieux repère stratigraphique dans les molasses des environs de Lavaur.
Astre (1929, 1934) et Richard (1940, 1946) ne donneront prudemment aucun avis sur la position des argiles de Pont-d’Assou. Pour Mengaud (feuille de Castres, 1930), « les marnes de Pont-d’Assou sont le prolongement occidental des Calcaires de Saint-Martin-de-Damiatte ». Par contre, Castéras (1956) et Mouline (1971) le placent dans les Molasses de Blan.
La position des argiles de Pont-d’Assou apparaît pourtant claire, sur la coupe de Répelin (1898-99) et sur les cartes géologiques de Toulouse au 1/80 000 (Vasseur et al., 1902 ; Astre et Cavaillé, 1966) et de Lavaur au 1/50000 (Mouline, 1971) où le niveau fossilifère se place entre les Calcaires de Saint-Martin-de-Damiatte, qui affleurent dans le lit de l’Agout jusqu’au pont de Jonquières (Répelin, 1898-99), et les Calcaires d’Albi qui surmontent le gisement une dizaine de mètres plus haut. Le gisement se place donc, non dans les Molasses de Blan, mais bien dans les Molasses d'Enlauze.