Dossier

LES GISEMENTS DE VERTEBRES FOSSILES DU
TERTIAIRE CONTINENTAL DU TARN


LITHOSTRATIGRAPHIE
PALEOGEOGRAPHIE, PALEOENVIRONNEMENTS

 

Lithostratigraphie des formations à vertébrés du Tarn

Le découpage lithostratigraphique du Tertiaire continental tarnais repose sur l’œuvre de Vasseur qui individualise le premier, au sein des formations molassiques, un certain nombre de bancs repères caractérisées par leur faune de Mollusques et de Vertébrés, qu’il suit et synchronise avec une précision et une intuition remarquable. Ses découvertes paléontologiques lui permettent d’établir le premier découpage stratigraphique réellement bien argumenté qui figure sur l’ensemble des  cartes géologiques dont il dirige le relevé, et que Blayac publira 23 ans plus tard sous forme d’un diagramme devenu un classique. On y voit notamment (figuré ci-dessous) l'équivalence toujours actuelle entre Molasse de Blan et Molasse inférieure du Fronsadais, Molasse de Puylaurens et Molasse supérieure du Fronsadais, Molasse de Moulayres et Molasse de l’Agenais.
Les datations, les colonnes stratigraphiques, les équivalences proposées entre les formations, sont pour l’essentiel toujours valables, au point que la géologie du Tertiaire continental est-aquitain est longtemps restée comme figées dans le cadre stratigraphique tracé par Vasseur.

"Diagramme de synchronisation des formations tertiaires de la partie orientale du Bassin d'Aquitaine
et de leur faciès ", d'après Blayac (1930)


On doit aux travaux de Michel Mouline (thèse, 1989) une interprétation novatrice de la dynamique sédimentaire dans ces milieux continentaux de type deltaïque, dont il montre le caractère discontinu et lenticulaires des corps sedimentaires. Son approche, opposée à celle de Vasseur qui a prévalu jusque dans les années 70, nous éclaire sur les mécanisme de sédimentation en milieu fluvio-lacustre. Dans ce travail, il s’attache à inventorier méthodiquement les objets sédimentaires et à les regrouper en séquences correspondant à autant de pulsations climatiques.

Tout au long du Paléogène, il va montrer que le complexe fluvio-lacustre accumulé dans Castrais et Albigeois découle du jeu antagoniste de deux régimes sédimentaires distincts :
- des écoulements en nappe exprimés par les « Argiles à graviers », correspondant à une sédimentation proximale en provenance du Paléo-Massif Central, sous forme de coulées boueuses  issues du démantèlement des paléoaltérites qui le recouvrent ;
- des dépôt lenticulaires de type fluviatile, à matériel d’origine lointaine, essentiellement paléopyrénéenne, correspondant à des chenaux conglomératiques et gréseux entrecroisés, de chenaux gréseux serpentant sur une plaine d'inondation recouverte de limons argileux et comportant des accumulations marginales répétées de calcaires d'origine lacustres ou palustres.

Ses études nous éclairent sur la physionomie et de la paléogéographie du Golfe est-aquitaine dont l’histoire débute au Paléocène et s’étale jusqu’à la fin de l’Oligocène. Elles permettent de déceler la progradation vers le Nord d’un prisme sédimentaire détritique, dont la sédimentation débute dans le Bassin du Castrais et progresse, telle une onde selon un axe ESE-NNE, sur un front de d’une vingtaine de kilomètres, en repoussant les zones exondées en Albigeois (figures ci-dessous).

 

Le prisme de dépôt continental du complexe fluvio-lacustre paléogène est-aquitain, d'après Mouline (1989, modifié). Position des formations lithologiques de Vasseur.
En haut, les niveaux calcaires ; en bas, les niveaux argilo-sableux

 

Le découpage lithostratigraphique utilisé dans ce travail et la terminologie sont maintenant devenues classiques. Elles sont principalement issues des travaux de Vasseur, complétés par ceux de Mouline. Nous en fournissons ci-dessous le schéma synthétique avec les âges corespondants.

Colonne stratigraphique, ensembles lithostratigraphiques, étages géologiques et principaux repères biochronologiques MP du Tertiaire continental des bassins du Castrais et de l'Albigeois


Une brève reconstitution de la paléogéographie et des paléoenvironnements :


Ce travail de synchronisation des unités lithostratigraphiques et leur cartographie fine permettent de mieux comprendre la paléogéographie et les étapes qui président à la mise en place du prisme sédimentaire fluvio-lacustre paléogène :
- Au Paléocène, la sédimentation débute avec le remplissage du « sillon du Thoré », les couches peuvent être mises en parallèle, grâce à une microflore, avec des dépôts homologues d’âge ilerdien (= Yprésien) de la couverture méridionale de la Montagne Noire.
- Au Lutétien, le « Lac de Castres », marque la conquête du front de sédimentation au nord de l’actuelle Montagne Noire. Il s’étend sur une trentaine de kilomètre dans le sens Est-Ouest et son axe de subsidence se confond avec le déboucher de la vallée du Thoré. La Montagne Noire ne semble cependant par constituer un relief notable.
- Dès le Bartonien, les accumulations de brèches thermoclastiques sur le versant nord de la Montagne Noire (Dourgne, Escoussens) témoignent d’un début d’activité épirogénique.
- Du Bartonien et au Ludien (= Priabonien), l’arrivée de sédiments paléopyrénéens constitue un élément important et révèlent un réseau de méandres et chenaux aux bras multiples, orientés SE-NW, bien développés au Nord de Castres qui montre que la Montagne Noire actuelle ne semblait pas influencer la sédimentation ni constituer un obstacle aux apports de provenance méridionale lointaine. Progressivement, la zone de subsidence maximale se déplace vers le Nord.
- Au Ludien, se créent deux cuvettes à sédimentations lacustres, séparées par une ride située au niveau du Réalmontais. Au nord, dans la cuvette albigeoise, se différencie un réseau fluviatile deltaïque de provenance nord-orientale (Le Complexe conglomératique de Puygouzon), qui se substitut au régime des coulées boueuses.
- Au Stampien (= Rupélien) , une nouvelle exagération des apports conglomératiques paléopyrénéens montre la permanence d’un écoulement  orienté du SE, vers le NW, selon une gouttière Gaillac-Graulhet-Castres, capable d’amener des galets de Mésozoïque de provenance méridionale, jusqu’aux confins de la Grésigne. Lles premiers signes de la surrection du Dôme de la Grésigne se manifestent.
- Le Stampien supérieur - Chattien, montre la permanence des apports fluviaux à matériel paléopyrénéen et un même axe de transit étroit dont les chenaux s’indentent au nord du Tarn dans une cuvette à dépôts ligniteux sapropéliques (Lignites de Cestayrol), et qui sépare la grande cuvette des Calcaires de Cordes, au Nord, des Calcaires de Briatexte et de Belesta, au Sud.
- Le Chattien voit la disparition des apports fluviatiles paléo-pyrénéens grossiers, alors que la subsidence maximale est centrée sur le Gaillacois.

suite. Le Lutétien et le Bartonien basal du Castrais