Jusque là, l’étude géologique de la France était l’apanage presque exclusif de polytechniciens ingénieurs des Mines, occupant des postes de responsabilité, tant à Paris, spécialement à l’Académie des Sciences, qu’en province dans les circonscriptions minéralogiques. La création de chaires de Géologie-Minéralogie dans les facultés va progressivement modifier le paysage géologique, surtout en province. Et le nombre de géologues, professeurs ou amateurs, va vite croître.
Probablement premier universitaire à venir en Albigeois, Hyacinthe Provana de Collegno ( ? – 1846), général piémontais devenu professeur à la faculté de Bordeaux, visite en 1843 la chute du « Saut-de Sabot » : l’eau du Tarn était « dirigée par un barrage vers l’aciérie établie depuis quelques années sur la rive gauche ».
A Toulouse, ville qui connut une intense vie intellectuelle au 18ème siècle, la chaire de Géologie-Minéralogie, créée en 1839, va être illustrée par Alexandre Leymerie (1810 – 1878), nommé professeur en 1840.
Quaternaire alluvial. Nous allons retrouver ce dernier en 1867, étudiant les terrasses du Tarn, de l’Aveyron et de la Garonne : il constate que les galets de quartz, formant l’essentiel de ces dépôts, proviennent de l’érosion du Massif Central (et non des Pyrénées, comme l’avait cru Boucheporn), lors d’une période à pluies « particulièrement diluviennes », où fondait la neige des hautes vallées.
Son confrère Edouard Collomb (1801 – 1875) donnait de son côté (en 1871) une bonne description du « diluvium » de la vallée du Tarn au niveau de Gaillac, cherchant hasardeusement l’origine du phénomène mondial de l’alluvionnement quaternaire « dans des causes cosmiques ou astronomiques ».
Le docteur Jean-Baptiste Noulet (1802 – 1890), qui deviendra professeur à la faculté de Médecine de Toulouse et y dirigera le Muséum d’Histoire Naturelle, eut un rôle éminent dans la datation des divers niveaux de la Molasse tertiaire. : il étudia spécialement les « coquilles fossiles des terrains d’eau douce du Sud-Ouest de la France » (1834), dont il donna la première stratigraphie, dans des travaux échelonnés entre 1846 et 1870 pour notre département.
Un jeune tarnais, Léonce Roux dit du Carla, né à Burlats en 1835, aura des rapports étroits avec Noulet, auquel il confiera ses découvertes de fossiles (Gastéropodes, restes de Vertébrés). Etudiant prometteur à Toulouse, il mourra à 23 ans le 24 juin 1858 (cf. A.Caraven-Cachin, 1875, impr. J.B.Dumoulin, Paris). Il reste de Roux du Carla un opuscule sur la « Géologie du bassin de l’Agoût », imprimé dans le bulletin de la Société littéraire et scientifique de Castres (1860, 4ème année, p.8 – 32) et ré-édité par L.Mengaud en 1910 (R.Tarn, 25 p.) (télécharger le texte au format pfd) . De ce travail de jeunesse, qui rassemble les récoltes paléontologiques dans la molasse castraise, on retiendra la découverte de Crocodiliens et autres vertébrés dans des couches à lignites dérivant de tourbes, au niveau des eaux de l’Agoût, sous les « calcaires de Sagnes ».
Le docteur Philadelphe Thomas (1826 – 1912), ami intime du grand zoologiste Lacaze-Duthiers, et dont les riches collections et la bibliothèque sont visibles au musée de Gaillac qui porte son nom, il découvrit au bord du Tarn, en aval de Montans, une mâchoire de Rhinocéros (« Aceratherium ») dans un grès calcareux de la Molasse. Cette découverte fut annoncée à Paris par le vicomte d’Archiac, célèbre géologue de l’Académie des Sciences.
Le dauphinois Henri Magnan (1831 – 1872) s’installa à Toulouse vers 1864 et suivit en franc-tireur les cours du professeur Leymerie. Il fit preuve d’une activité débordante, l’opposant parfois à son maître ! Son « Etude des formations secondaires des bords sud-ouest du plateau central de la France entre les vallées de la Vère et du Lot » (1869, Bull. Soc. Hist. Nat. Toulouse, III, p.5-83) apporta, parmi d’intéressantes remarques, la définition de la « faille de Marnaves ». Qualifiée ultérieurement de « faille de Villefranche » (de Rouergue) par Bergeron, ce grand accident tectonique sépare, de Marnaves jusqu’au Lot, le Quercy calcaire du Rouergue schisto-cristallin. Il s’agit d’un tronçon, long de 70 km, de la grande fracture NNE-SSW qui brise le Massif Central et qui a fonctionné à plusieurs reprises depuis 300 M.a. (au moins). Que l’on se rassure : ses derniers jeux en Albigeois ont cessé depuis 30 M.a. ! Esprit audacieux, Magnan envisagea que « les érosions et les failles ont joué partout un rôle de premier ordre et qu’autrefois les terrains secondaires recouvraient une grande partie de cet immense plateau » [central]. La question est toujours d’actualité.
Magnan disparaîtra prématurément, ce qui l’empêcha de répliquer à la charge que l’Intendant militaire Alphonse Péron (1834 – 1908), membre d’ « une réunion de quelques géologues » chargés « de dresser la Carte géologique du Tarn-et-Garonne », rédigea contre lui. En effet, cet éminent géologue, qui deviendra Correspondant de l’Institut et présidera un jour la Société géologique de France, dut rectifier (« Sur quelques points de la Géologie du département de Tarn-et-Garonne », Bull. Soc. géol. France, 1874) quelques graves et incompréhensibles erreurs de Magnan sur l’âge de terrains calcaires liasiques (que celui-ci avait cru permiens !) à l’Ouest de Tonnac et dans la dépression de Varen.
On constate ainsi que les diverses zones de l’Albigeois – si l’on met à part les terrains anciens de « la montagne » – ont fait l’objet de recherches entre 1850 et 1875, de la part de géologues qui, à l’exception de Roux du Carla, n’étaient pas tarnais. Leur apport essentiel a concerné la stratigraphie, à la fois lithologique et paléontologique, afin de dater les « étages ».
Retour
Page suivante : Caraven-Cachin