Ce texte est la version augmentée d’un article publié dans la Revue du Tarn, été 2004, n° 194, p.235-252. Avec l’aimable autorisation du comité rédactionnel de la Revue.

 

LA SEDIMENTATION TERTIAIRE DANS LA REGION DE CASTRES (TARN)

par Philippe Fauré

Entre les Monts du Sidobre, à l'Est, le Môle de Réalmont, au Nord, et la Montagne Noire, au Sud, se développe dans le Castrais une dépression d'orientation Est-Ouest, axée par la basse vallée de l'Agout. Elle est soumise durant l'Ere Tertiaire* (Paléocéne* et Eocène*)(l’astérisque renvoie vers le glossaire) à un remplissage sédimentaire épais de plusieurs centaines de mètres. Ce bassin sédimentaire, véritable "golfe" situé dans les confins orientaux du Bassin d'Aquitaine, s'exprime actuellement par une succession de couches alternativement calcaires* et molassiques*, basculées d'une dizaine de degrés vers l'Ouest et disposées en auréoles concentriques ouvertes vers l'Ouest. Les plus anciennes se placent à l'Est, les plus récentes, à l'Ouest (fig. 1).

GEOMORPHOLOGIE DU BASSIN DE CASTRES

Sur la bordure orientale de la dépression de Castres, les couches tertiaires les plus anciennes (d'âge Paléocène* probable) reposent en discordance sur la surface d'érosion post-hercynienne * des terrains paléozoïques * du Réalmontais et des Monts du Sidobre. Dans le Mazamétain, elles s'enfoncent en coin dans une gouttière étroite, le "Sillon du Thoré", dans lequel elles atteignent le méridien de Lacabarède. Au Sud, les couches qui remplissent le bassin du Castrais viennent butter contre l'abrupt de la faille qui limite le versant nord la Montagne Noire (fig. 1 et carte).

L'axe de la dépression de Castres est occupé, entre Castres et Labruguière, par un vaste causse de calcaire lacustre * d'âge Eocène moyen, le Causse de Castres et Labruguière, dont les attributs géomorphologiques sont ceux d'un modelé karstique* (fig. 1 et carte).

Sa partie occidentale est occupée par des terrains tendres de composition molassique*, sableuse ou argilo-sableuse, d'âge Eocène supérieur, dont les reliefs collinaires émoussés sont habituellement peu favorables aux affleurements. Parfois, ils sont armés par des bancs plus durs, bancs de grès dans les Monts de Saix, bancs de poudingues* dans les collines du Puylaurentais ou encore bancs de calcaires lacustres (fig. 1 et carte). A la fin de l'Eocène*, l'induration relative des couches alternativement gréseuses et calcaires se traduit, dans la topographie, par un relief en cuesta* dont l'abrupt relatif domine vers l'Est les plaines du Revélois et du Castrais, relief que l'on peut suivre sur une cinquantaine de kilomètres depuis le Seuil de Naurouze jusqu'à la vallée du Tarn, en passant par Saint-Félix-du-Lauragais, Puylaurens, Puycalvel, Lautrec et Laboutarié où il recoupe le Dadou (figure 1 et carte). Ce relief, décrit par les auteurs sous le terme de "crête ludienne" (du nom de l'étage Ludien actuellement remplacé par l'étage Priabonien), sépare le Castrais éocène des collines du Tolosan dont les sédiments représentent l'Oligocène *. Cette limite est souvent choisie comme limite géographique occidentale du bassin de Castres.

Figure 1 : Carte géologique synthétique du Bassin de Castres (Tarn). Légende : 1 – socle paléozoïque : a – schistes, b – granite et gneiss ; 2 – Eocène : molasses et calcaires : a - surface de discordance post-hercynienne surmontée par les Argiles à graviers, b – calcaires des causses de Castres, de Labruguière et d'Escoussens, c - niveau-repère des Calcaires de Cuq et Vielmur ; d - niveaux calcaires et gréseux de la fin de l'Eocène correspondant la "Crête ludienne" ; 3 – Oligocène : Molasses du Tolosan.

Pour plus de précisions, nous renvoyons le lecteur aux remarquables synthèses de Vasseur et de ses élèves (de 1893 à 1899), auteurs des premiers levés de la carte géologique de Castres au 1/80.000 (1896) et aux travaux plus récents de Mouline (de 1966 à 1989) à qui l'on doit, notamment, la révision du Tertiaire de la plupart des cartes géologiques au 1/50.000 du Castrais et de l'Albigeois. Voir ci-dessous bibliographie de la Géologie du Tarn et de la Montagne Noire.

 

Carte géologique de la région de Castres.
Extrait de la carte géologique de Montpellier au 1/250 000e

 

L’HISTOIRE ANTE TERTIAIRE DU BASSIN DE CASTRES

Malgré leur démantèlement probablement total dès la fin de l'Ere primaire, les reliefs correspondant aux plissements de la chaîne hercynienne* restent, dans le Sud du Tarn, émergés et dénudés durant une très longue période dont l'histoire, peu connue, s'étale de la fin de l'étage Permien* au début de l'Ere tertiaire. Soit une durée d'environ 200 millions d'années pendant laquelle les terrains du socle primaire* de l'extrémité méridionale du Massif Central sont soumis aux agents météoriques et biologiques.

Durant cette période, sous l'influence d'un climat de type tropical humide, les terres exondées s'altèrent plus ou moins profondément et se couvrent de dépôts ferrugineux pédogénisés* assimilables à une cuirasse latéritique*, identique à celle qui recouvre actuellement les sols de l'Afrique inter-tropicale. Ces sédiments, dont plusieurs témoins sont visibles dans les environs d'Augmontel et sur les hauteurs du Sidobre, permettent de bien situer la paléotopographie d'érosion anté éocène.

Leur âge est difficile à préciser en raison de l'absence de fossiles. Il est probable que certains lambeaux de cuirasse puissent relever du Paléocène* ou pourquoi pas du Crétacé terminal. On attribue à cette période la profonde altération des granites du Sidobre qui permet leur découpage actuel en boules si caractéristiques.

 

L’HISTOIRE EOCENE DU BASSIN DE CASTRES

 

 

LE CONTEXTE GEODYNAMIQUE A L’EOCENE

L'histoire sédimentaire du bassin de Castres débute réellement au début de l'Eocène, il y environ 55 millions d'années. A cette période, les premières manifestations tectoniques compressives à l'origine des Pyrénées permettent la création d'une large dépression de direction subéquatoriale dans l'avant-pays de la chaîne naissante. Ce golfe, le Sillon languedocien (encore appelé Détroit de Carcassonne), est envahi par plusieurs transgressions marines d'origine atlantique dont la plus importante recouvre, à l'Yprésien, la plus grande partie du versant méridional de l'actuelle Montagne Noire, déposant, en particulier, les calcaires des Causses du Cabardès et du Minervois.

Les contrecoups lointains de la genèse des Pyrénées permettent, à la même époque, la différenciation d'une autre dépression, première ébauche du bassin de Castres, sur le bord septentrional de la future Montagne Noire. Cette région n'est toutefois pas atteinte par la transgression marine languedocienne et restera soumise à un régime sédimentaire de type continental.
A partir de l'Eocène moyen, alors que la mer s'est déjà retirée du Languedoc, l'ensemble de la région est-aquitaine reste définitivement soumise à un régime sédimentaire de type continental et toutes les dépressions ainsi créées dans l'avant-pays de la chaîne pyrénéenne sont progressivement comblées par un abondant matériel sédimentaire détritique nourri, pour l'essentiel, par la destruction des premiers reliefs pyrénéens (fig. 2A).

Le bassin du Castrais sera également marqué par des apports sédimentaires d'origine plus locale, issus, notamment, de l'érosion des reliefs proches des Monts du Sidobre et du Rouergue, alors émergés, et d'un premier relief en voie de formation situé sur l'emplacement de l'actuelle Montagne Noire. Les bordures du bassin seront dominées par les dépôts les plus grossiers (de cônes fluviatiles plus ou moins torrentiels). Les dépôts plus fins, sableux ou limoneux de plaine d'inondation, domineront plus loin.

Cette sédimentation, de type détritique, sera ensuite entrecoupée de périodes de sédimentation de type purement biochimique permise par l'installation périodique de larges lacs d'eau douce, déposant des épaisseurs souvent importantes de calcaire lacustre* franc, tels les Calcaires du Causse de Castres et de Labruguière (fig. 2B) ou de calcaire palustre* plus limoneux.

Figure 2 : Paléogéographie du Tertiaire languedocien à l'Yprésien  (figure 2A) et au passage Lutétien – Bartonien (figure 2B) : Légende : M-N : paléo-Montagne noire ; 1 - sédiments détritiques grossiers (Argiles à graviers) ; 2 - molasses argilo-sableuses fluviatiles ; 3 - argiles marines ; 4 - calcaires marins ; 5 - sens des apports sédimentaires ; 6 - sédiments détritiques grossiers (argiles à graviers) ; 7 - molasses fluviatiles sableuses ; 8 - limons de plaines d'inondation ; 9 - calcaires lacustres (d’après, PLAZIAT, 1981 modifié)

LE DECOUPAGE EN FORMATIONS LITHOLOGIQUES

Les sédiments s'agencent en séries de couches sédimentaires que l'on regroupe en formations*, unités représentant des ensembles bien repérables sur le terrain et, ainsi, bien cartographiables (les limites des formations figurent sur les cartes géologiques).
Ces formations sont définies en référence à une localité-type aux abords de laquelle la succession des dépôts est bien apparente (par exemple, Argiles de Rieusequel, Calcaires de Castres,...).

Leur âge ne sera donné que de façon indicative. En effet, les fossiles sont rares, essentiellement des restes de vertébrés et des gastéropodes, et ne permettent pas de datation très précise. Comme il est fréquent dans ce type d'environnement fluviatile à sédimentation fluctuante, il est vraisemblable que les formations soient diachrones, c'est-à-dire qu'elles ne représentent pas le même âge d'un bout à l'autre de notre domaine d'étude.

BIBLIOGRAPHIE DU TERTIAIRE DU TARN

L’EOCENE DU BASSIN DE CASTRES. Yprésien à Lutétien (- 55 à -33  millions d’années)