L’EOCENE DU BASSIN DE CASTRES
Yprésien à Priabonien (- 55 à -33 millions d’années)
Yprésien à Lutétien supérieur (- 55 à - 40 millions d'années) : La Formation des Argiles à graviers.
Pour des raisons vraisemblablement climatiques (pluviosité intense), le début de l'Eocène (fig. 2A et 3) est marqué par une reprise généralisée de l'érosion sur les reliefs du Massif Central et par le démantèlement des cuirasses d'altération qui les recouvrent. Des dépôts détritiques plus ou moins grossiers, habituellement "rougis" par l'abondance du fer latéritique, vont alors s'accumuler dans les zones dépressionnaires, en particulier dans le "Sillon du Thoré" où elles sont représentées à l'affleurement par la formation sédimentaire discordante * sur le socle primaire * dite des "Argiles à graviers"(photo ci-dessous et fig. 3, n° 1).
Aux environs de Saint-Amans-Soult, deux épisodes sédimentaires sont en fait reconnus.
. Le premier, représenté par les "Poudingues des Estrabauts", correspond à des accumulations de sédiments gréseux grossiers et de conglomérats à galets de quartz ou gneiss rubéfiés* et plus ou moins altérés.
. Le second correspond à des dépôts limoneux rouges, connus depuis Vasseur sous le nom "d'Argiles de Mazamet", unité qui recouvre en fait plusieurs entités lithostratigraphiques* dont la principale est la formation des "Argiles de Rieusequel". Ce sont des alternances de dépôts sableux fins d'origine fluviatile et de limons ligniteux* de plaine d'inondation proche de l'exondation sur laquelle viennent se décanter les produits du lessivage des altérites* qui recouvrent les paléoreliefs tout proches.
Aux environs de Mazamet, la formation est essentiellement représentée par des Argiles rouges à graviers, puis par des niveaux détritiques plus fins, gréseux ou limoneux qui supportent le Calcaire de Castres.
L'âge de ces formations est difficile à préciser. Les argiles ligniteuses * des environs de Saint-Amans ont fourni à Mouline une riche microflore (essentiellement des pollens) que cet auteur propose de corréler avec des dépôts ligniteux homologues de la région de Saint-Papoul, dont l'âge Yprésien (début de l'Eocène) est attesté par des gastéropodes laguno-marins (cérithidés). Autre élément de datation, les niveaux argilo-sableux qui, dans la région d'Augmontel précèdent directement les Calcaires de Castres, auraient livré des débris de mammifères du niveau d'Issel (Lophiodon isselense et Lophiaspis occitanicus) qui donnent un âge Lutétien supérieur au sommet des Argiles à graviers du sillon de Mazamet Noulet, 1868).
Lutétien supérieur à Bartonien inférieur (- 40 millions d'années environ) : Les Calcaires du Causse de Castres et de Labruguière
Ces calcaires occupent la partie axiale du bassin de Castres et s'étendent sur, environ, 30 km de longueur et 15 km de largeur (fig. 2B et 3). A l'affleurement, cet épais ensemble calcaire s'exprime largement au niveau de plusieurs causses découpés par les vallées du Thoré et de la Durenque.
Le plus vaste, le Causse de Labruguière-Augmontel, occupe une position centrale. Le calcaire y atteint 100 m d'épaisseur entre Labruguière et Caucalières (fig. 3, n°2). Sa surface est inclinée de quelques degrés vers l'W.SW, ce qui lui permet d'affleurer dans la ville de Castres où il est bien visible sur les berges de l'Agout et sur les escarpements occidentaux de la Butte Saint-Jean. A l'Ouest de Castres, le calcaire plonge sous les molasses bartoniennes mais a pu être identifié dans différents sondages comme celui de Soual où il est traversé sur 110 m d'épaisseur.
A l'affleurement, il s'agit de calcaires clairs, blancs ou rosés, tantôt durs et compacts, ailleurs plus tendres et plus marneux, avec un débit qui peut être noduleux. Ils se disposent en bancs de 30 cm à 1 m d'épaisseur séparés par des joints bien marqués, indices d'arrêts plus ou moins longs de la sédimentation carbonatée, parfois intercalés de lits de limons argileux. Le premier ensemble (fig. 3), les "Calcaires inférieurs" (fig. 3, n°2a), est associé à des niveaux ligniteux (les lignites* d'En Gasc étaient exploités au 19ème siècle, sur les bords du Thoré et jusque dans les années 40, aux abords de Labruguière). Les "Calcaires moyens" et les "Calcaires supérieurs" (n° 2b et 2d) sont séparés par un ensemble marneux peu épais, les "Argiles du Rieu-Favie" (n° 2c). Des épandages d'argiles à graviers séparent les bancs calcaires au NE de Castres (Saint-Hippolyte, Lamousié, La Caulié).
Les Calcaires de Castres et de Labruguière, à l'Ouest de Caucalières. L'affleurement en falaise domine le Thoré.
La "Vallée d'en Cabrière", au Nord de Caucalières. Vallée sèche typique d'un paysage de causse calcaire.
La grotte de Lacalm (ou grotte du Chemineau), au Sud-Ouest de Saint-Alby, ouverte par un large porche (28 m) sur le talweg du ruisseau de Courbas. Plusieurs galeries sont traversées par un cours d'eau souterrain. Elle est occupée depuis le Paléolithique supérieur (Magdalénien ?) jusqu'à l'époque moderne.
Cet entablement principal est flanqué de deux causses satellites, au Nord, le Causse de Saint-Hippolyte et au Sud, les petits causses d'Aiguefonde-Lacalm et d'Escoussens dont les bords méridionaux, situés à l'aplomb de l'escarpement de la faille de la Montagne Noire, sont masqués par des brèches d'éboulement et par des conglomérats plus récents.
Les Calcaires de Castres sont riches en ostracodes* et en graines de charophytes*. Localement, ils sont remarquables par leur richesse en fossiles, essentiellement en gastéropodes d'eau douce, Biomphalaria pseudoammonius, B. vasseuri, Stagnicola michelini, Ischurostoma minuta, Mastigophallus viali, Bulimus rouxi, Hippeutis rouxi et Melanopsis castrensis, avec un bivalve, Unio rouxii. Les fossiles de vertébrés sont plus rares, quelques dents de crocodiliens et des fragments de carapace de tortues. Au Nord de Castres, la carrière dite du "Roc de Lunel", sous la Butte Saint-Jean, a fourni des dents de Lophiodon rhinocerodes, ce qui permet de dater la partie supérieure du Calcaire de Castres du Lutétien terminal ou de la base du Bartonien. Un autre niveau fossilifère situé dans la ville de Castres, "la Fontaine de Sagnes" (rive droite de l'Agout, en amont du pont Miredames) a livré Aphelotherium rouxi dans un banc ligniteux. Ce site est particulièrement bien décrit par Roux du Carla (1860).
Quelques gastéropodes lacustres recueillis dans le Tertiaire du Sud du Tarn.
1 à 4 : planorbes (Biomphalaria vasseuri) ; 5 et 6 : Hélicidés ; 7 à 9 : limnées (genres Stagnicola et Galba) ; 10 : Filholia laevolonga (exemplaire provenant de Villeneuve-la-Comptal) ; 11 : Brotia albigensis ; 12, 13 et 14 : Ischurostoma [I. formosum (13), I. minuta (12, 14)].
Les assises supérieures du calcaire, en particulier dans la partie nord-orientale du causse, sont aussi remarquables par l'abondance des constructions algaires laminées de type stromatolitique* dues à l'activité d'une algue cyanophycée*. Ces structures se présentent sous des formes très variées, encroûtements laminés horizontaux, "gâteaux d'algues" nappant la surface d'un banc ou concrétions nodulaires pisolitiques*. On doit au castrais Pierre Borrel leur première description en 1649, dans les "Antiquitez de Castres...". Les formes allongées de certains pisolites* "...en pierre longue et rondes, en forme de membre viril..." leur vaut alors l'appellation de "Priapolithes" ou encore de "bijoux de Castres". Boucheporn (1848), puis Caraven-Cachin (1898) en complètent la description. Vasseur (1896) constate qu'elle "affectent la forme de débris végétaux", mais leur vraie nature algaire n'est établie qu'en 1955 par Baeckeroot.
Mouline (1966) démontre leur association à des phénomènes d'exondation périodique. Il constate que les concrétions se concentrent dans un cordon orienté NW-SE, dans un secteur s'étalant d'Augmontel au causse de Saint-Hippolyte, et montre leur accumulation au niveau de véritables chenaux d'écoulement dirigés vers le Sud. Dans tout ce secteur, proche de la berge nord du lac lutétien, les "priapolithes" abondent vers l'amont (au plus près du continent) alors que, vers l'aval, dominent les sphéroïdes pisolitiques, leur calibre s'affinant progressivement en s'éloignant du continent.
Diversité des nodules (pisolites) d'origine algaire dans les Calcaires de Castres et de Labruguière aux environs d'Augmontel et de Labruguière.
1 – section polie d'un pisolite montrant la lamination d'origine algaire matérialisée par des films concentriques alternativement clairs et foncés entourant une cavité (géode) tapissée de cristaux de calcite ; 2 : nodules emboîtés, presque sphériques (ou sphérolithes) ; 3 à 6 : nodules allongés de type "priapolithes". Noter, fig. 4 et, surtout, fig. 5, l'aspect embranché qui confirme l'organisation de la concrétion autour d'une structure végétale. Fig. 6, présence d'un canal central abouché aux deux extrémités de la concrétion ; 7 : nodule sphérique à type de "sphérolithe" ; 8 : nodule algaire organisé autour d'un bivalve d'eau douce (Unio rouxii).
- Au Nord de Castres, le calcaire disparaît rapidement en passant latéralement à des dépôts littoraux appartenant à la formation des Argiles à graviers. Au Sud de Castres, il se réduit fortement et n'est plus représenté que par son niveau supérieur sur le causse d'Escoussens .
- A l'extrémité sud-occidentale du secteur étudié, les "Calcaires de Revel", constituent la couverture du petit massif gneissique de Revel - Saint-Ferréol sur lequel ils forment un entablement de 20 à 30 m d'épaisseur. Ces calcaires lacustres blancs à Planorbes* (Biomphalaria pseudoammonius) sont particulièrement bien visibles dans la carrière de Pont-Crouzet. Cette formation se réduit rapidement vers l'Ouest et Vasseur (1893-94) a montré quelle disparaissait entre les Argiles à graviers et la formation des "Grès à Lophiodon d'Issel" dont l'âge Bartonien inférieur est bien daté par des vertébréa