Dossier

 

HISTOIRE DE L'IDENTIFICATION DE OLIGOCENE
(STAMPIEN, CHATTIEN) DANS LE TARN

par Philippe Fauré

 


Définition de l'Oligocène et de ses étages

L’Oligocène est très largement représenté dans le golfe de l’Albigeois par des dépôts molassiques alternativement pélitiques, gréso-conglomératiques et lacustres dont les couches, disposées en auréoles concentriques, se succèdent d’Est en Ouest, depuis le revers occidental de la « Crête ludienne », jusqu’aux confins du Pays toulousain, à l’Ouest du département du Tarn.

L’Oligocène est défini par Beyricht (1854) en Allemagne du Nord pour caractériser les faunes les plus anciennes du Tertiaire, que Lyell classait dans le Miocène inférieur.
Les limites de l’Oligocène et ses subdivisions ont été très diversement interprétées par les auteurs, à en juger par le nombre des étages dont l’usage est tombé en désuétude.
- Ces couches étaient jusque là définies en Belgique comme « Tongrien » et « Rupélien » par Dumont (1850) et dans le Bassin de Paris, comme étage Stampien, par d’Orbigny (1852).
- Par manque de définition, le Tongrien est remplacé par deux étages distincts, le Sannoisien (Munier-Chalmas et Lapparent, 1893) et le Stampien.
- Le Sannoisien qui désignait les dépôts lagunaires de la partie inférieure de l’Oligocène, est plus tard abandonné et son utilisation réservée à une signification de faciès (Stampien à faciès sannoisien).
- La définition du Stampien s’en trouve élargie, conformément aux limites données par d’Orbigny dans le Bassin de Paris.

Bien que la conception des deux étages soit identique, c’est le terme de Rupélien, défini deux ans avant le Stampien, qui est retenu par les échelles internationales.

Malgré tout, l’usage du Stampien, en tant qu’étage, est resté incontournable en raison de la richesse des dépôts marins et continentaux de la région stratotypique. Nous l’utiliserons dans notre étude.
L’étage Chattien (Fuchs, 1894) est ensuite créé comme synonyme de Oligocène supérieur.

L’Oligocène comporte ainsi deux étages, de bas en haut, le Rupélien/Stampien et le Chattien.

 

L'Oligocène du Tarn. Un Historique

Les premières observations géologiques dans la partie orientale de l’Aquitaine sont celles de Dufrenoy et Elie-de-Beaumont (1841), auteurs de la Carte géologique de France. Ils rapportent alors au Tertiaire moyen, ou Miocène, l’ensemble des séries molassiques du bassin de l’Albigeois et des calcaires d’eau douce subordonnés.

Fort de son expérience dans le Tertiaire du Bordelais, Raulin tente une première synthèse dans son « Nouvel essai d’une classification des terrains tertiaires de l’Aquitaine » (1848). Il y englobe l’ensemble des dépôts molassiques qui s’étendent du « golfe de l’Albigeois » dans le Tarn, au bassin de l’Aude, à la Haute-Garonne et au Gers, dans une même formation, la « Mollasse inférieure de l’Armagnac, de l’Albigeois et de Castelnaudary » et parallélise ces couches avec les séries homologues les plus récentes du Bordelais, d’âge Miocène supérieur. Les dépôts calcaires intercalés dans cette formation « qui constituent les causses d’Albi, de Castres, de Sorèze, de Castelnaudary… et de Sansan, dans le Gers », sont confondus dans l’unique formation des « Calcaires d’eau douce jaunes de l’Armagnac et de l’Albigeois ».
Curieusement, il considérait que, remontant la vallée de la Garonne en direction de l’Aquitaine méridionale et orientale, « il s’avançait au milieu d’assises de plus en plus récentes », « bien qu’elles reposent sur les calcaires à alvéolines à l’Est ».

De l’Eocène

Cet avis n’est pas partagé par De Boucheporn (1848) qui, dans sa carte du Département du Tarn et dans l’« Explication » qui l’accompagne, constate que les dépôts molassiques de l’Aquitaine orientale «  sont associés aux couches marines (Terrain nummulitique)… du versant méridional de la Montagne Noire ». C’est donc au Tertiaire inférieur, c’est-à-dire à l’Eocène, et non au Miocène, qu’il attribut l’ensemble des « terrains d’eau douce » qui s’étendent dans le département du Tarn, des bordures de la Montagne Noire, au Cordais et aux confins du Tarn-et-Garonne.
Dans le Tarn, il ne reconnaît pas la « Molassse marine du second étage du Tertiaire de Paris (qui) commence au grès marin de Fontainebleau (notre Stampien supérieur actuel) » mais remarque très justement, et de façon prémonitoire, qu’elle « est peut-être représentée par la couche de galets des plateaux (de Puylaurens) ».

De l’Eocène supérieur

Il est suivi par Gervais, d’Archiac, puis Noulet qui tous placent dorénavant dans l’Eocène, les dépôts molassiques et calcaires qui « occupent la plaine de l’Aude, les Corbières, les contreforts pyrénéens, le Castrais et l’Albigeois et se retrouvent dans le Tarn-et-Garonne et le Lot » (Noulet, 1854).

Noulet précise leur âge éocène supérieur, car ils sont caractérisés par l’association constante des Lophiodon et des Paleotherium « cette association trouvant son parallèle avec les couches de Montmartre à gypse du Bassin Parisien » (Noulet, 1854, 1858), mais nuance les attributions de Boucheporn en reconnaissant à la « formation Miocène »(il s’agit réellement du Miocène actuel), les dépôts « qui occupent une grande place dans le sud-ouest, du Pied de Pyrénées… à l’Ouest de l’embouchure du Tarn dans l’Aveyron, jusqu’à l’Océan ». Il précise que « partout, les dépôts miocènes ont conservé leur stratification horizontale… et discordante » (Noulet, 1854). L’incertitude stratigraphique est donc large entre le Miocène de l’Aquitaine et l’Eocène supérieur.
En 1860, il ajoute la Molasse de Briatexte à « Paloplotherium annectens » au sommet de « l’Eocène supérieur du Castrais ». Puis, il découvre des « dents incomplètement conservées d’un Anthracotherium » dans le Calcaire de Saint-Martin-de-Casselvi qui leur est sus-jacent (Noulet, 1863, note infra-paginale p. 27), fossile qu’il attribue ensuite à A. magnum (Noulet, 1867) et remarque fort justement « que ce fossile signe habituellement  l’étage le plus ancien de la formation miocène (comprendre Oligocène) ».
En 1863, il avait constaté que « les Hélices… accusent des couches appartenant aux zones les plus élevées et conséquemment les plus récentes dans le même terrain (Oligocène des auteurs allemands), zone que je suis porté à attribuer à l’horizon Tongrien de M. d’Orbigny » (L’étage Tongrien est sensiblement équivalent à l’actuel Stampien inférieur).
Ces constatations novatrices nous montrent que Noulet avait parfaitement reconnu le caractère intermédiaire, de certaines faunes, entre Eocène et Miocène. Elles ne l’emmèneront cependant pas à modifier sa conception trop large de l’Eocène.

Mollusques de l'Oligocène des Calcaires de Cordes (s.l.) (in Fauré, 2007)

Après une nouvelle visite dans le Tarn et l’Aude et le relevé de nombreuses coupes échelonnées de l’Albigeois, à l’Aude et à l’Ariège, Raulin (1855, 1856) se rallie au point de vue de Noulet (1854) en plaçant dans l’Eocène supérieur, les « Sables et les calcaires d’eau douce du Périgord et de l’Albigeois ».

Thomas (1867) découvre les premiers vertébrés fossiles dans les Molasses de Montans, parmi lesquels le « Rhinoceras minutus CUVIER », dont la présence amène à discuter l’âge de ces formations. Ce n’est pas sans formuler quelques doutes qu’il se rallie à la conception élargie de l’Eocène supérieur de Noulet « et non une époque miocène (comprendre Oligocène), comme il était généralement admis auparavant (pour ce type de fossile) » Ce même gisement aurait anciennement fourni des ossements de Paloplotherium minus, Paleotherium curtum, Lophiodon, donnés à l’école des Mines de Paris par le Dr. Facieu, de Montans. Ces ossements lui suggèrent, à la suite de Noulet, l’âge éocène supérieur du gisement.
Un même âge Eocène supérieur sera encore assigné aux dents de « Palaeotherium » découvertes par l’ingénieur des mines Helson (1888) dans les lignites de Cestayrol, au Nord du cours du Tarn.

Evoquant toutes ces dernières découvertes, d’Archiac (1868) confirme, avec prudence, que « dans cette région les dépôts d’eau douce des deux formations tertiaires, inférieure et moyenne, se sont succédées consécutivement (et que) les faunes se sont succédées de même en se mélangeant… ».

Rey-Lescure constate à son tour des « mélanges de faunes vraiment embarrassant » (1874-75) et la contemporanéité, dans le Tarn, des genres Paleotherium et Anthracotherium qui doivent faire placer les couches correspondantes « au passage de l’Eocène supérieur au Miocène inférieur, auquel les géologues, surtout en Allemagne, donnent le nom d’Oligocène ». Il lui préférera le nom « d’Eo-miocène qui indique mieux celui d’une époque de transition » (Rey-Lescure, 1883, 1887).

De l’Oligocène

D’importantes rectifications à la stratigraphie de « l’Eocène supérieur » du Bassin de l’Albigeois établie par Noulet en 1868 sont apportées par Tournouër dans « Sur l’âge géologique des mollasses de l’Agenais… » (Tournouër, 1869), en même temps que la première introduction du « système » oligocène dans la terminologie des étages de l’Albigeois.
Analysant les contenus malacologiques établis par Noulet, il observe que les associations de mollusques dans le Calcaire de Cordes sont très spécifiques, identiques dans les causses de Cordes, de Carmaux et de Briatexte. Contrairement à l’hypothèse de Noulet, cette assise se place au sommet de la série sédimentaire de l’Albigeois et l’on doit en séparer les associations à « Melania albigensis », qui caractérisent les Calcaires d’Albi situés au-dessous. Il constate que plusieurs hélix (H. corduensis, H. cadurcensis) présentent « une affinité sensible avec celle des calcaires miocènes à Helix ramondi » permettant de suspecter, pour les Calcaires de Cordes, un âge plus récent, qu’il fixe au Miocène inférieur « âge sensiblement identique à celui des Calcaires de l’Agenais » (qu’il venait très justement de paralléliser avec les Calcaires inférieurs de la Beauce, d’âge Chattien actuel).
Il distingue ainsi, de bas en haut :
- Oligocène inférieur ou Eocène supérieur des classifications en vigueur : Calcaires d’Albi et de Lautrec « en équivalence des Molasses du Fronsadais », ce qui se révèlera juste.
- Oligocène moyen : Calcaires de Cordes et de Cieurac en équivalence du Calcaire de Briatexte « à Anthracotherium » « qui se trouve là à son niveau ordinaire… celui du Miocène inférieur » (note infra-paginale, p 1011).

Filhol (1878, 1881) signale le gisement de Réal qui a fourni au propriétaire des lieux, M. Jaybert, des portions de maxillaires et dents de Coenotherium commune et de Lophiomeryx chalaniati, fossiles, qui lui « paraissent contemporains des Sables de Fontainebleau » (comprendre Oligocène) (1).

Le gisement de Roquemaure – Réal se révèlera l’un des plus récents du Tertiaire tarnais, avec des faunes actuellement attribuées aux biozones MP 29-30 du Chattien terminal.

Du Sannoisien et du Stampien

Caraven-Cachin évoquera largement les dépôts oligocènes dans sa magistrale « Description géographique, géologique, minéralogique, paléontologique, palethnologique et agronomique des départements du Tarn et de Tarn-et-Garonne » (Caraven-Cachin, 1898). Il tente même d’apporter sa pierre à la terminologie stratigraphique qui, à l’époque, n’était pas bien fixée autour de la limite Oligocène – Miocène. Il crée ainsi le « Varénien », « pour l’Oligocène terminal (il y a même un «étage Parouquien ») » et l’« Allocène » qui désigne une période intercalée entre Oligocène et Miocène, qui pourrait correspondre à l’actuel étage Chattien. Ils n’eurent aucun écho.
Dans cet ouvrage, Caraven-Cachin place dans le Stampien tous les sédiments tertiaires argileux et carbonatés situés au nord du cours du Tarn : Calcaires de Cordes ; lignites du  « calcaires de Cestayrols … très fossilifères »* ; les niveaux à « meulières et silex autrefois exploités en carrières souterraines (sans doute celle d’Amarens) pour confectionner des meules de moulin à moudre les grains » ;
Il extrait des molasses des environs de Salvagnac plusieurs fossiles de vertébrés* qu’il place dans le Miocène et leur assigne un âge Aquitanien.

- Des dents d’Anthracotherium magnum des lignites de Cestayrols figurent effectivement dans sa collection du Musée d’Albi. Ce fossile sera placé dans le Stampien inférieur par Richard (1948).
- Ces fossiles, provenant de la Sauzière-Saint-Jean seront décrits par Fréderic Roman (1911) sous le nom d’Anthracotherium albigense, espèce maintenant placée dans le genre Molassitherium. Ils se révèleront d’âge Stampien terminal - Chattien inférieur. 

Le travail de Gaston Vasseur est décisif, en cartographiant entre 1890 et 1912, les formations tertiaires de pas moins de 18 cartes géologiques de l’Aquitaine, à l’échelle du 1/80.000e. Dans cette tâche considérable, il est aidé par ses disciples Joseph Répelin et Joseph Blayac, au point que la part qui leur revient à chacun est difficile à délimiter. L’œuvre de Vasseur repose sur l’individualisation, au sein des formations molassiques du Bassin d’Aquitaine, d’un certain nombre de bancs repères caractérisés par leur faune de Mollusques et de Vertébrés, qu’il suit et synchronise avec une précision et une intuition remarquable. Ses découvertes paléontologiques lui permettent d’établir le premier découpage stratigraphique réellement bien argumenté.
- Il fait débuter l’Oligocène avec les Molasses de Puylaurens « qui renferment les deux niveaux conglomératiques de type Palassou » (Vasseur 1893-94I) et, suivant la nouvelle terminologie des étages appliquée dans le bassin de Paris, place cette assise dans l’étage Sannoisien inférieur (Vasseur et Blayac, 1894). Il fait état en 1896 de sa découverte dans « une gravière ouverte 1 km à l’Ouest de Puylaurens… de portions de mâchoires de Xiphodon, de molaires de Rhinoceros (Acerotherium) et d’une carapace de tortue (Testudo) ne laissant aucun doute sur l’âge sannoisien de la formation » (Vasseur et al. 1896).

Le réexamen des faunes de Puylaurens amènera Roman et Joleaud (1909), puis Stehlin, à rajeunir cet âge « à la partie tout à fait supérieure du Sannoisien, peut-être même à l'extrême base du Stampien ». Repelin (1921), Richard (1948) et Astre (1959), constatant qu’aucune forme du Sannoisien n’y est représentée, affirment que les molasses supérieures de Puylaurens, où se trouve le gisement, sont déjà stampiennes. Le gisement est actuellement placé autour de la biozone MP 24 du Stampien supérieur (Sudre et al., 1992).

- Vasseur situe le « Calcaire à Melania albigensis » « en équivalence du Calcaire de Brie » (Vasseur (1893-94I) ou Sannoisien supérieur (Vasseur, 1894, 1896) (actuel Stampien inférieur). Cet âge n’a jamais vraiment été remis en question.
- Les dépôts molassiques sus-jacents(Molasses de Moulayres) passent, au nord du Tarn, aux Calcaires de Cordes dont il expose en 1894 (Vasseur et Blayac, 1894) le détail des faisceaux alternativement calcaires et molassiques. L’ensemble est retenu comme « équivalent des Grès de Fontainebleau (actuel Stampien supérieur) » et équivalent latéral des « Molasses de l’Agenais ». Ces calcaires (de Cordes) débordent vers le nord les séries molassiques de l’Eocène sur lesquels, ils seraient transgressifs (Vasseur et Blayac, 1894). Leur prolongement au Sud était reconnu dans les « Calcaires de Briatexte » par Tournouër (1869) (Répelin, 1898-99a). Il les prolonge à l’ensemble des plateaux calcaires qui s’étendent dans le Sud du département du Tarn (Calcaires de Missècle et de la Butte de Gamanel) (Vasseur et al. 1896), jusqu’à la Haute-Garonne (Calcaires de Bélesta) (Vasseur et Blayac, 1898-99) et les suit jusqu’en Ariège (Vasseur, 1898-99a) où ils sont un précieux éléments de corrélation des molasses tertiaires.
Le Maître ayant renoncé à écrire la synthèse de 23 ans de travaux, c’est Blayac qui en donne en 1930 une synthèse remarquée pour le centenaire de la Société Géologique de France : « Diagramme de synchronisation des formations tertiaires du Bassin d’Aquitaine et de leur faciès au Nord de la Garonne » (schéma reproduit ci-dessous). Les datations, les colonnes stratigraphiques, les équivalences proposées entre les formations continentales et les indentations entre faciès d’eau douce et dépôts marins du Bordelais y sont synthétisées et le schéma proposé est devenu un classique (fig…). Pour l’Oligocène, nous y retrouvons notamment les équivalences, pour l’essentiel toujours valables, entre : Molasse de Puylaurens et Molasse supérieure du Fronsadais ; Molasse de Moulayres et Molasse de l’Agenais.



L’utilisation systématique des fossiles de vertébrés dans la datation de l’Oligocène débute vraiment avec Mengaud et Astre.
Mengaud est un géologue pyrénéen, originaire de Briatexte, qui ne fera que quelques observations sur le Tertiaire de son pays natal. Il confiera plusieurs fossiles pour étude à Gaston Astre, dont le Brachyodus (= Elomeryx) porcinus qui lui permet de placer la Molasse de Briatexte dans le Sannoisien supérieur (Astre, 1926 ; Mengaud, 1927). Au sommet de cette formation, un crâne de « Aceratherium » lui évoque l’extrême base du Stampien (Astre, 1927), ce qui permet à Mengaud (1927) de placer de façon assez précise la limite entre « le Sannoisien et le Stampien ». A Labastide-Gabausse, le Calcaire de Cordes lui fournit un Aceratherium du « Stampien supérieur »*.
* Ce fossile sera attribué par Richard (1948) et Astre (1964) à Aceratherium (Ronzotherium) cf. filholi du Stampien moyen.

Le Calcaire de Cordes (s.s.) exploité par la carrière de Prunac, à Villeneuve-sur-Vère.


Dans sa révision encyclopédique des gisements de mammifères de l’Albigeois, Richard (1946) précise les datations de Vasseur et de Mengaud et donne un nouveau tableau de synchronisation des formations de l’Oligocène tarnais. De bas en haut, à partir du Calcaire de Saint-Martin de Damiatte :
- Sannoisien inférieur : Molasses de Puylaurens.
- Sannoisien supérieur : Calcaires d’Albi (bien que les fossiles du gisement de la Pale, à Puygouzon, lui évoquent le Sannoisien inférieur).
- Stampien inférieur : Molasses de Moulayres.
- Stampien moyen : Calcaires de Cordes et de Briatexte en équivalence latérale avec les dépôts molassiques du Gaillacois qui ont donné les gisements de Rabastens, Montans, Gaillac,...
- Stampien supérieur : molasses de la région de Salvagnac qui ont fourni les gisements de Réal, La Sauzière-Saint-Jean, Tauriac…

Dans son ouvrage « Terrains stampiens du Lauragais et du Tolosan », Astre (1959) reproduit les datations données par Richard (1948) et précise la succession lithostratigraphique du Stampien du Lauragais. Il montre l’âge stampien terminal des molasses de l’Ouest du Tarn « auquel l’Aquitanien passe sans hiatusalors que certaines surfaces sont exondées ». Il met en effet en évidence de rares exemples d’érosion post-oligocène : La discordance du Burdigalien à dents de Mastodonte de Bourg-Saint-Bernard sur les molasses oligocènes ; le « Causse fossile » de Roqueville (Astre, 1953).

L’Oligocène des sédimentologistes

La rareté des travaux exprime, entre les années 60 et 70, la désaffection pour le Tertiaire de l’Aquitaine. Les années 80 vont apporter un regain d’intérêt pour la sédimentation en milieu continental. Plusieurs raisons à cela :
. Les importants progrès de la biochronologie des micromammifères autorisent des datations de plus en plus précises et des corrélations devenues fiables, que ne permettait pas la paléontologie des seuls mollusques continentaux.
. La révision de la carte géologique de France à l’échelle du 1/50 000 est devenu une nécessité. Plusieurs auteurs en ont été les acteurs principaux dans le Tarn, depuis les années 70. Parmi eux, A. Cavaillé à qui l’on doit de nombreuses cartes géologiques de la région est-aquitaine (Gaillac, Villemur-sur-Tarn) ou encore B. Muratet pour le Nord-Ouest du Département (Negrepelisse).
Mais c’est à M.-P. Mouline de l’on doit la cartographie la plus fine et la plus novatrice du Tertiaire de plusieurs feuilles tarnaises (Lavaur, Réalmont, Albi, Carmaux, Castres, Revel, Mazamet).
Sur ces cartes, il y exprime les idées accumulées lors de ses travaux de thèse « Sédimentation continentale en zone cratonique : le Castrais et l’Albigeois au Tertiaire » (Mouline, 1989). Ce travail magistral conclut une étude stratigraphique, sédimentologique et séquentielle méthodique et synthétique de l’ensemble des dépôts du Tertiaire continental est-aquitain, s’attaquant au difficile problème des corrélations sédimentaires dans des sédiments dont il montre le caractère discontinu et l’influence dominante, dans la sédimentation, des conditions paléoclimatiques.
Il montre, notamment, que le prisme sédimentaire fluvio-lacustre du Stampien, progresse vers le Nord, telle une onde progradante, repoussant sans cesse les zones exondées en direction de l’Albigeois. Les dépôts détritiques les plus grossiers et les écoulements conglomératiques « de type Puylaurens » d’origine paléo-pyrénéenne, s’y concentrent selon un chenal de transit principal, relativement étroit, de direction ESE-NNE Castres - Graulhet - Gaillac, qui sépare la grande cuvette des Calcaires de Cordes, au Nord, de la cuvette des Calcaires de Briatexte et de Bélesta, au Sud. Cette direction d’écoulement montre l’absence d’influence, à cette époque, du relief de la Montagne Noire. Une seconde direction d’apports conglomératiques, cette fois méridienne et intéressant la région de Puylaurens, semble pourtant contourner l’extrémité occidentale de la Montagne Noire.
Dans ce contexte général d’apports détritiques méridionaux, un réseau fluviatile de provenance nord-orientale se différencie à la base du Stampien (le Complexe de Puygouzon). Il résulte de « véritables fleuves aux eaux non turbides » transportant sable et galets. Ce delta se substitut au régime des coulées boueuses qui prévalait pour les dépôts des Argiles à graviers.
A la fin du Stampien, les accumulations sédimentaires sont centrées sur le Gaillacois et sur la partie occidentale du bassin de l’Albigeois (limons et surface lacustres ou palustres des Calcaires de Donnezac). Les apports détritiques et conglomératiques résultant des premières manifestations de la surrection du dôme de la Grésigne se substituent aux apports grossiers fluviatiles paléo-pyrénéens.

Le positionnement des niveaux repères de mammifères montrera à Muratet et Cavelier (1992) que, malgré leur caractère apparent très monotone, les dépôts molassiques de l’Oligocène de l’Albigeois sont très discontinus et qu’ils s’ordonnent en une succession de séquences sédimentaires séparées par des discontinuités plus ou moins importantes. Ils identifient quatre séquences dessinant des figures de onlap successives sur les marges du bassin molassique.
Une période de lacune étendue affecterait le Stampien terminal à l’Ouest de Castelnau-de-Montmiral et serait la traduction d’un événements eustatique régressif majeur s’accompagnant d’une baisse du niveau de base marin (Muratet et. al., 1992). Pour ces auteurs, une discontinuité avec lacune séparerait le Stampien du Chattien (« discontinuité D3 »). La découverte par Astruc et al. (2003) de fossiles de la Biozone MP 26 (passage Stampien-Chattien), juste au niveau de la période présumée lacunaire, amène ces auteurs à nuancer ce schéma.

L’essor de la Paléontologie des mammifères.
La découverte de l’Oligocène supérieur

Les progrès apportés dans les années 80 par la biochronologie des mammifères sont décisifs. On trouvera dans les travaux de Muratet (1983), Chellai (1982), Muratet et Cavelier (1992), Escarguel et al. (1997) ; Astruc et al. (2003), un bilan des données récentes, disponibles, à la fois, sur les gisements paléokarstiques et dans les bassins molassiques de l’Aquitaine. Les nouvelles datations et les nouvelles équivalences proposées dans la partie supérieure de l’Oligocène sont pour la plupart nouvelles.
Pour le Stampien :
- Les gisements molassiques du Gaillacois : Stampien inférieur (Gaillac, Montans, MP 21-22) ; Stampien supérieur (Lisle-sur-Tarn, Saint Gery, MP 24).
- Le Calcaire de Cordes s.s. : Stampien sommital, transition MP 24 à 25 (Muratet et Cavelier, 1992) ;
Pour le Chattien, nouvellement identifié au sommet de l’Oligocène tarnais (Muratet et Cavelier, 1992) :
- Les gisements de Rabastens, Salvagnac, La Sauzière-Saint-Jean, Montclar-de-Quercy : Chattien inférieur, MP 26.
- Les gisements de Tauriac, Belpuech : MP 27
- Le gisement de Roquemaure-Réal : Chattien terminal, MP 30.

Aucun dépôt Aquitanien (Miocène) n’est identifié dans le Bassin de l’Albigeois.


Notes :
(1) fossile qu’il attribue ensuite Anthracotherium magnum (Noulet, 1867)
(2) Le gisement de Roquemaure – Réal se révèlera l’un des plus récents du Tertiaire tarnais, avec des faunes actuellement attribuées aux biozones MP 29-30 du Chattien terminal.
(3) Nous rapportons dans le présent travail cette formation au Ludien.


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