LES VERTEBRES DE L'EOCENE MOYEN DU CASTRAIS (BARTONIEN).
UN PATRIMOINE PEU CONNU
par Philippe Fauré
La détermination de l’âge des formations molassiques du Castrais a fait l’objet de longues discussions entre les géologues qui ont cherché, dès le milieu du XIXème siècle, à en paralléliser les couches avec les dépôts homologues, mieux datés, du bassin de Paris. Ils sont inspirés par les travaux précurseurs de Cuvier (1822) et de Marcel de Serre (1844) sur les faunes de vertébrés connues à Issel et à Villeneuve-la-Comptal, dans l’Aude.
Du Tertiaire moyen
Dufrenoy et Elie-de-Beaumont (1841), auteurs de la Carte géologique de France, avaient rapporté au Tertiaire moyen, ou Miocène (englobant les actuels Oligocène et Miocène), l’ensemble des séries molassiques du bassin de l’Albigeois et des calcaires d’eau douce subordonnés.
Raulin (1848) parallélisait, quand à lui, sa « Mollasse inférieure de l’Armagnac, de l’Albigeois et de Castelnaudary » avec des séries homologues du Bordelais d’âge, cette fois, Miocène supérieur.
Du Tertiaire inférieur ou Eocène
De Boucheporn (1848, p. 79) observe la superposition directe des molasses du Castrais et de Castelnaudary sur les couches marines du « terrain à nummulites » qui revêtent le versant méridional de la Montagne noire. Il est le premier à rapporter l’ensemble des formations molassiques du Tarn à l’Eocène.
La première découverte d’un spécimen de Lophiodon dans les sables du Lautrécois confirme cet âge et permet à Noulet (1851) de souligner la parenté entre les faunes du Castrais et les, désormais, classiques faunes d’Issel (Cuvier, 1822).
De l’Eocène supérieur
A partir de 1855, les récoltes du jeune Léonce Roux du Carla montrent l’association constante, dans le Castrais, des deux genres Lophiodon et Palaeotherium. Noulet (1854, 1858) peut alors préciser leur âge et regrouper dans l’Eocène supérieur, les Sables du Castrais et les Molasses de Castelnaudary.. La « zone à Lophiodon lautricense et Paleotherium » du Castrais trouve son parallèle avec les couches de Montmartre à gypse du Bassin Parisien (« étage qui a son représentant dans les couches à Paléothérium du Bassin de la Seine, constituant cet horizon des gypses et des marnes des environs de Paris ») (Noulet, 1858).
Noulet montre que ces terrains sont les dépôts tertiaires les plus récents à être impliqués dans l’orogénèse pyrénéenne. Il les sépare nettement des dépôts du Miocène qui « ont conservé partout leur horizontalité ».
Après une nouvelle visite dans le Tarn et le relevé de plusieurs coupes dans les environs de Castres et de Revel, Raulin (1855, 1856) se rallie à ce point de vue. Tournouër (1869), puis Filhol (1878) confirmeront cet âge à l’examen des fossiles du Castrais. Tous synchronisent les Molasses du Castrais avec « l’Etage gypseux de Montmartre » soit, l’Eocène supérieur.
De l’Eocène moyen
Gervais avait pourtant bien remarqué, dès 1867, la superposition, dans l’Aude, de deux niveaux : le niveau d’Issel, plus ancien, caractérisé par la présence des Lophiodons, qu’il place dans l’Eocène moyen (au niveau du « Calcaire grossier supérieur » du Bassin parisien) et celui de Villeneuve-la-Comptal, plus récent, renfermant une majorité de Paléothérium, qu’il rapporte à l’Eocène supérieur (niveau du « Gypse de Montmartre »). Il ne fournit aucune explication quand à la coexistence dans le Tarn, de ces deux genres, qui s’excluent habituellement.
Pour cette raison, d’Archiac (1868, p. 388) avait envisagé, pour les molasses du Tarn, un âge intermédiaire « associant des types génériques propres à chacune d’elles ».
C’est bien ce que proposent Vasseur et ses collaborateurs, lors des travaux d’établissement de la carte géologique du Tarn et de l’Aude, en plaçant enfin les Molasses de Saix et de Lautrec en « équivalent dans le Bassin de Paris, des Sables de Beauchamp et du Calcaire de Saint-Ouen » (1893a, p. 361), soit dans l’Eocène moyen.
Etage Bartonien
Pour cette période, l’étage Bartonien sera introduit et appliqué aux molasses de l’Aquitaine pour la première fois en 1899 par Vasseur et Blayac
(cette datation, tenue pour non rigoureuse, ne sera pourtant pas suivie par Caraven-Cachin (1898) qui persiste à placer les « Etages de Castres et de Lautrec » dans l’étage Ludien de l’Eocène supérieur).
Un niveau inférieur du Bartonien supérieur
L’étude paléontologique autorise Stehlin (1909) à préciser encore, au Bartonien supérieur, l’âge des faunes mammaliennes des sables du Castrais. Cet âge est identique à celui du niveau de Robiac, dans le Gard, autre localité de référence de l’étage.
Plusieurs paléontologues, dont Frentzen (1968) et Sudre (1978), concluent par l'étude paléontologique des Palaeotherium et des Artiocactyles à une légère antériorité du niveau de Castres sur celui de Robiac. Une nouvelle précision va être donnée par Cavelier (1979, p. 195) qui signale la découverte dans les « Middle Barton Beds » de la localité stratotypique, du Plagiolophus cartailhaci de Peyregoux. Ce fossile permettrait alors de placer les gisements du Castrais à un niveau inférieur du Bartonien supérieur.
Biozone MP 16
Les faunes du Castrais bénéficient depuis les années 80 des progrès des techniques de recherche et de la biochronologie permise, notamment, par la paléontologie des micro-mammifères.
Les faunes du Castrais sont placées dans la biozone MP 16 de l’échelle MP adoptée en 1986 au Symposium de Mayence (Sudre et al., 1992).
Une proposition de J. Remy, lors du colloque Biochrom'97, visant à distinguer les faunes du Castrais, dans la Biozone MP 16a, des faunes de Robiac, dans la biozone MP16b, n'est pas confirmée par une résolution.
Les nouvelles récoltes effectuées dans les années 1990 dans le Lautrécois (B. Sigé in Astruc et al., 2003) ont permis des datations très précises permettant de confirmer la contemporanéité des niveaux de Castres et de Robiac
Les principaux gisements de mammifères du Castrais et du Lautrécois sont synchronisés avec
le biohorizon MP 16.