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Biographies

Jean-Baptiste NOULET, géologue, botaniste, préhistorien (Venerque 1802 - 1890)

Jean-Baptiste Noulet est né le 11 floréal de l’an X (1mai 1802) à Venerque, près de Toulouse. Issu d’une famille rurale, il témoigne très tôt d’une curiosité insatiable qui encourage ses parents à lui donner une solide instruction. Après des études au petit séminaire de l’Esquile, il rentre à l’école de médecine de Toulouse, obtient en 1826 son internat à l’Hôtel-Dieu et soutient son diplôme de docteur en médecine, en 1832, à la faculté de Montpellier.
Durant ses études de médecine, Noulet se passionne pour les sciences naturelles et parvient très rapidement à exceller dans des disciplines aussi variées que la botanique, la malacologie, la géologie et la paléontologie ; toute sa vie durant, il les pratiqua avec bonheur dans le «Bassin sous-pyrénéen», terminologie dont il est l’inventeur.

Comme botaniste, son oeuvre majeure est la publication, en 1837, de La Flore du Bassin sous-pyrénéen, gros volume de 754 pages qui constitue un inventaire quasi exhaustif des plantes régionales, dressé d’après des récoltes personnelles.

En tant que malacologiste, il produit en 1834 un Précis analytique de l’histoire naturelle des mollusques terrestres et fluviatiles qui vivent dans le bassin sous-pyrénéen. Il y applique, avant la date, les principes de l’actualisme (comparaison entre les phénomènes passés et présents) aux recherches géologiques et paléontologiques, qu’il mène, dans le même temps, sur les mollusques fossiles des formations molassiques du Tertiaire du Sud-Ouest de la France.

Le paléontologue aborde ensuite l’étude des mammifères fossiles et fait de nombreuses publications sur le sujet.

 

Cette énumération de compétences serait incomplète, si l’on n’y incluait une oeuvre de philologue romaniste, déclarée, par les spécialistes, comme fondamentale dans la connaissance de nombreux textes languedociens et provençaux.

De cette très large palette de connaissances découla, bien sûr, une notoriété régionale qui s’accompagna de multiples reconnaissances. Noulet fut ainsi promu successivement à l’Académie des sciences de Toulouse : correspondant (1831), puis associé résident dans la section de médecine (1840), avant d’en devenir le président en 1850. En 1838, la ville de Toulouse créa pour lui une chaire d’agriculture au Jardin des plantes. Il devint, en 1841, titulaire de la chaire d’histoire naturelle médicale à l’école préparatoire de médecine et de pharmacie de Toulouse.

En 1851, Jean-Baptiste Noulet découvre près de Toulouse, sur la commune de Clermont-le-Fort (Haute- Garonne) au lieu-dit l’Infernet, un gisement où coexistaient des faunes du Pléistocène et des restes d’outillages lithiques. Au moment de sa découverte, Noulet est déjà intimement convaincu de l’existence de l’Homme. Par ses découvertes de la vallée de la Somme, Boucher de Perthes se bat pour faire reconnaître la contemporanéité de l’Homme et d’espèces animales disparues.
La publication de la découverte est présentée en 1853 à la séance du 3 février de l’Académie des sciences de Toulouse. Mais il n’en reste, à notre connaissance, aucune relation écrite. Noulet veut être inattaquable sur un sujet aussi brulant. Il diffère sa publication jusqu’en 1860, soit sept ans plus tard, le privant très certainement d’une plus grande notoriété. Lors de sa publication, cette découverte n’a cependant pas le retentissement mérité car, en quelques années, l’idée que l’on se faisait de l’ancienneté de l’Homme avait bien évolué : les travaux évolutionnistes de Darwin venaient d’être publiés et les découvertes de Boucher de Perthes avaient été validées.

Un siècle plus tard (en 1955 et 1956), Louis Méroc, directeur des Antiquités préhistoriques régionales, retrouve sans grande difficulté, malgré l’absence de plan, le gisement fossilifère et l’exploite à nouveau, confirmant pleinement les observations de Noulet et permettent une attribution au Pléistocène moyen.
Dans le vallon de l’Infernet, une stèle érigée le 10 mars 1956 commémore le centenaire de la découverte.

Devenu directeur en 1872 du Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse, Noulet se consacre désormais à l’archéologie préhistorique. Il fouille les grottes ariégeoises, Lombrives, Lherm, Ussat,... et alimente de façon considérable les collections du Muséum pour en faire un des premiers musées du monde à consacrer une galerie à l’Archéologie préhistorique.

d'après

Bilotte M., Duranthon F. (2006) - Documents originaux inédits de Jean-Baptiste Noulet (1802-1890) relatifs au site archéologique de l'Inferet. Palevol, 5, p. 757-766.
E. Cartailhac, J. Anglade, Leclerc du Sablon (1919) - Le professeur Jean-Baptiste Noulet (1802–1890), sa biographie, le romaniste, le botaniste, le géologue, le préhistorien et le directeur du musée d’Histoire naturelle. Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 11 série, t. VI, p. 421–483.


Travaux de J.B. Noulet en Aquitaine orientale

Dès la première édition de son « Mémoires sur les coquilles fossiles des terrains d’eau douce du Sud-Ouest de la France » (1854), « résultat de plus de vingt années de recherches », il publie une première succession stratigraphique des dépôts molassique par l’étude paléontologique des mollusques terrestres ou lacustres que contiennent certains des niveaux calcaires qui sont particulièrement nombreux dans le bassin de l’Agout. C’est ouvrage n’est que le « prodrome d’un livre … qui devra être accompagné de figures destinées à représenter sous plusieurs aspects les coquilles qui y seront écrites ».
Dans sa réédition de 1868, Noulet identifie 65 espèces de mollusques lacustres, pour la plupart nouvelles, qui, en l’absence de figuration, seraient restées dans l’oubli si le paléontologue suisse F. Sandberger n’avait figuré, de 1870 à 1875, la plupart des exemplaires-type des collections du Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse dans sa monographie « Die Land- und Süsswasser-conchylien der Vorwelt ».

Il place les couches « infra-nummulitiques » de l’Aude dans l’Eocène inférieur (1854, 1868) et signale la « ressemblance » de quelques une des espèces avec celles de la faune de Rilly-la-Montagne (Thanétien du Bassin de Paris), mais n’en tire aucune conséquence quand à l’âge des Calcaires de Montolieu.

A la suite de Boucheporn, de Gervais, puis de d’Archiac, il place dans l’Eocène l’ensemble des dépôts mollassiques et calcaires associés qui surmontent le « Nummulitique du Bassin sous-pyrénéen » et occupent la plaine de l’Aude, les Corbières, les contreforts pyrénéens, le Castrais et l’Albigeois et se retrouvent dans le Tarn et Garonne et le Lot, soit la « totalité des couches tertiaires rapportées (en 1841) par MM. Dufrenoy et Elie de Beaumont à leur système Tertiaire moyen » (Noulet, 1860).
Noulet a lui même identifié et nommé dans les mollasses du Castrais (Braconnac, Joncquière) le premiers Lophiodon, Lophiodon lautricense (1851). Ce fossile s’ajoute aux Lophiodons de « la faune d’Issel » étudiés par Cuvier (1822), qu’il retrouve « sous le calcaire de Castres, à Peyrin », à la partie inférieure du Tertiaire continental du Castrais (1854). Noulet précise leur âge Eocène supérieur car ils sont caractérisés par l’association constante, dans le Castrais, des Lophiodon et des Paleotherium. Il regroupe alors dans le même étage Eocène supérieur, les Sables du Castrais et les Molasses de Castelnaudary, cette « zone à Lophiodon lautricense et Paleotherium » trouvant son parallèle avec les couches de Montmartre à gypse du Bassin Parisien (« étage qui a son représentant dans les couches à Paléothérium du Bassin de la Seine, constituant cet horizon des gypses et des marnes des environs de Paris ») (Noulet, (1854, 1858). Tout au sommet, il y ajoute ensuite la Mollasse de Briatexte à « Paloplotherium annectens » (1860).
Il précise (1854, 1857) que sur la bordure pyrénéenne, ces dépôts « ont perdu leur position horizontale… disloquées en même temps que la formation nummulitique », jusque dans le Tarn où il constate « l’inclinaison fort apparente des strates du calcaire du Causse de Castres ou de Labruguière, depuis Caucalières vers Castres où ils disparaissent sous la molasse ». Partout, ils seraient surmontés par une « formation Miocène », horizontale et discordante. Il conclut « que c’est postérieurement au dépôt de l’Eocène supérieur que la Chaîne des Pyrénées pris sa forme définitive, en affectant une direction si tranchée… » (1858).
Mais sa conception de l’Eocène est trop large et il ne reconnaît pas le Tertiaire supérieur (actuel Oligocène) dans ces dépôts, malgré sa découverte d’un Anthracotherium dans les calcaires de la région de Briatexte (1867) et les premières découvertes de mammifères « non déterminés » de la vallée du Tarn (Montans) que venait de publier le Dr. Piladelphe Thomas (1867) de Gaillac.

Très moderne dans ses conceptions de la paléontologie, il estime que les associations de mollusques sont « nettement caractérisées et particulières à chacun des horizons calcaires » ce qui lui permet de distinguer, dans l’Eocène du Bassin de l’Agout, huit horizons stratigraphiques distincts, dont il reconnaît globalement la succession qui lui permettent de synchroniser les « Calcaires du grand Causse de Castres » avec les « Calcaires de Pont-Crouzet (de St Ferréol) » (actuel Lutétien), à l’opposé de la série, les Calcaires de Cordes avec les Calcaires de Briatexte et les « Calcaire de Cieurac », dans le Lot (actuelle partie moyenne du Stampien). Sa précision trouve cependant ses limites dans les faunes à l’extension stratigraphique large, souvent homéomorphes, qui le conduisent à paralléliser les « Calcaires de Saint Julien de Py (de Ronel) » (actuel Priabonien) avec le Calcaire de Castres (Lutétien), les niveaux calcaires subordonnés à la « Mollasse du Castrais » (Bartonien) avec les « Calcaires de Villeneuve-la-Comptal » (Priabonien supérieur). Enfin, il place le « Calcaire supérieur de Lautrec (et Calcaire d’Albi) » (actuelle base du Stampien) tout au sommet correspondant aux « strates les plus récentes de l’éocène supérieur du Bassin de l’Agout » (1863, 1868).

De 1851 à 1871, Noulet est aussi le principal contributeur à la connaissance des vertébrés du Tertiaire du Bassin de l’Agout, en énumérant, à partir de 1863, année de sa première publication sur « Les fossiles de l’Eocène supérieur du Bassin de l’Agout », les principales espèces qu’il a recueilli lui-même ou qui lui ont été présentées par de nombreux correspondant locaux qui sont « des hommes d’étude… qui sont devenus mes utiles collaborateurs ». Parmi eux, nous reviendrons sur le jeune et prometteur Léonce Roux du Carla, son principal collaborateur de 1854 à 1857 et par A. Caraven (en 1862). Nous évoquerons ici surtout J. Parayre (1802-1878), pharmacien à Castres, qui a longuement suivi les travaux d’exploitation des carrières du Castrais (Roc de Lunel, Sicardens) et lui a fournit de nombreux fossiles dont un chélonien nouveau décrit par Noulet sous le nom d’Allaeochelys parayrei (1867b). On peut citer encore M. Mazas, étudiant en médecine à Toulouse, M. Alby, ingénieur des ponts et chaussées, M. Jean, juge de Paix à Lautrec, le chanoine Boyer et le Dr. Marturé, de Castres, M. Golse, professeur de l’école des Arts à Toulouse (dons datés 1866).
La construction de la ligne de chemin de fer de Castres à Albi sera ensuite une source importante d’échantillons avec la découverte en 1868 par M. Zebrowsky, « conducteur de ligne », des riches gisements des environs de Lautrec : Montespieu, La Millette, La Maurianne, la gare de Lautrec. Leur étude paléontologique donnera la dernière publication de Noulet sur les vertébrés du Castrais (Noulet, 1870). Il arrêtera ensuite toute étude sur les mammifères de l’Eocène. Ces nouvelles récoltes du Lautrécois viendront grossir de façon considérable les collections du Muséum de Toulouse où elles seront un terrain d’étude « ex situ » exceptionnel. Elles y seront inventoriées et successivement étudiées ensuite par Hans Stehlin, Gaston Astre, Marguerite Richard, J.L. Frantzen, Jean Sudre, Jean Remy, ....

Philippe Fauré

Liste des travaux de J.-B. Noulet sur l'Aquitaine orientale

NOULET J.B. (1851) – Sur une nouvelle espèce de Pachyderme fossile du genre Lophiodon (Lophiodon lautricensis). Mémoires de l’Académie des Sciences Inscription et Belles Lettres de Toulouse, 4 ser., t. I, p. 245-250.
NOULET J.-B. (1854) – Mémoires sur les coquilles fossiles des terrains d’eau douce du Sud-Ouest de la France, Editions Masson, 1854, Paris, 127 p.
NOULET (1855) – Description de l’Unio rouxii, espèce fossile nouvelle retirée des incrustations connues sous le nom de bijoux de Castres (terrain éocène supérieur), Mémoires de l’Académie des Sciences Inscription et Belles Lettres de Toulouse. 5ème série, tome IV, p. 159.
NOULET J.-B. (1857) – Coquilles fossiles nouvelles des terrains d’eau douce du Sud-Ouest de la France, Editions Masson, Paris, 24 p.
NOULET J.-B. (1858) – Du terrain éocène supérieur considéré comme l’un des étages constitutifs des Pyrénées. Bulletin de la Société géologique de France,  p. 277-284.
NOULET J.-B. (1860) – Fossiles de la Molasse et du Calcaire d’eau douce (Eocène supérieur) de Briatexte (Tarn). Mémoires de l’Académie des Sciences Inscription et Belles Lettres de Toulouse, 5e sér., t. IV, p. 405-409.
NOULET J.-B. (1863) – Etude sur les fossiles du terrain éocène supérieur de l’Agout (Tarn). Mémoires de l’Académie des Sciences Inscription et Belles Lettres de Toulouse, 6e sér., t. I, p. 181-206.
NOULET J.-B. (1863) – Etude sur les fossiles du terrain éocène supérieur de l’Agout (Tarn). Mémoires de l’Académie des Sciences Inscription et Belles Lettres de Toulouse, 6e sér., t. I, p. 181-206.
NOULET J.-B. (1866) – Sur des dents de Pterodon dasyuroides, de Cheropotamus parisiensis et de Dichorbune leporinum, retirées des calcaires lacustres du Mas Sainte-Puelles. Mémoires de l’Académie des Sciences Inscription et Belles Lettres de Toulouse,  6e ser., t. IV, p. 159-164.
NOULET (1867) - Nouveau genre de tortues fossiles proposé sous le nom d’Allaeochelys. Mémoires de l’Académie des Sciences Inscription et Belles Lettres de Toulouse. 6ème série, tome VII, p. 172.
NOULET J.B. (1867) – Gisement à Anthracotherium magnum dans le terrain à Palaeotherium du Tarn. Mémoires de l’Académie des Sciences Inscription et Belles Lettres de Toulouse, 6e sér., t. V, p. 172.
NOULET J.-B. (1868) – Mémoire sur les coquilles fossiles des terrains d'eau douce du S.-O. de la France. Editions Delboy, Toulouse, 103 p.
NOULET J.B. (1870) – Du Chéropotame de Lautrec, espèce nouvelle des grès à Palaeotheriums du bassin de l’Agout (Tarn). Mémoires de l’Académie des Sciences Inscription et Belles Letttre de Toulouse, 7e sér., t. II, p. 331-335.