JEAN-EMILE GRAND ET LA DECOUVERTE DU CHARBON DU BASSIN DE CAGNAC - ALBI
par Philippe Fauré
JEAN-EMILE GRAND (Saint-Etienne 1844 - Albi 1926)
Jean-Emile Grand est, né à Saint-Étienne le 1er octobre 1844, d'une famille industrielle d’observance protestante. Entré à l'Ecole des Mines de sa ville natale, il sort « major » de sa promotion en 1867. Il débute sa carrière aux mines de Dourges, dans le Pas-de-Calais, puis à celles de Chazotte. Il est appelé en avril 1870, à Carmaux par Amédée Sévin, devenu directeur des mines à la suite de la longue grève.
A Carmaux, il constate l’absence d’information sur la constitution géologique du bassin houiller. On croyait avant lui que l'orientation générale de celui-ci était Est-Ouest, parrallèle à la vallée et à la faille du Cérou. Mais, par expérience, Emile Grand sait que la direction d'ensemble des bassins houillers de la partie occidentale du Massif Central est sensiblement nord-sud.
En 1874 et 1875, il s’assure, par des percements de galeries obliques, que l’on rencontre vers l'Ouest les roches cristallines constituant le fond du bassin. En 1879, le fonçage du puit de la Tronquié, au sud de la concession de Carmaux, montre dans cette direction une nette tendance à enrichissement du gisement. Dès lors, Grand, dont l'intuition peut s'appuyer sur des constatations précises, est convaincu que c'est au sud, et en dehors de la concession de Carmaux, qu'il faut rechercher le prolongement du bassin.
Les choses en étaient là lorsque la mort imprévue du directeur Sévin, apporte des remaniements importants dans le personnel. Il se met en rapport avec Gustave Petitjean, administrateur des Houillères et Fonderies de l'Aveyron. Celui-ci avait l'intention de faire des recherches dans la région de Réalmont où se trouvent des affleurements houillers. Emile Grand lui confie alors ses idées sur le prolongement du bassin de Carmaux et le convainc d’effectuer des recherches dans la région d’Albi. |
LA DECOUVERTE DU CHARBON
En 1882, un premier sondage est implanté sur le plateau calcaire de Grand-Camp, 740 mètres au sud de la Concession de Carmaux, sur la commune de Saint-Sernin-lès-Mailhoc, Cagnac n’est encore qu’un hameau (la commune abandonne en 1910 le nom de Saint-Sernin pour celui de Cagnac, puis de Cagnac-les-Mines, en 1949). Le sondage commence le 4 février 1884. De nombreux accidents viennent interrompre sa progression. Un sondage voisin est repris en décembre. Le 31 juillet 1883, la sonde pénètre dans le terrain houiller, à la profondeur de 155 mètres. Après des bancs de schistes gris blanc et de grès gris, une première couche de houille de 1 m d’épaisseur est rencontrée le 4 septembre 1883, à la profondeur de 185 mètres, appelée plus tard la « Veine Henriette ». Le 9 novembre, une seconde couche épaisse de 5,85 m, baptisée ensuite « Veine Marmottan», est rencontrée. Mais la sonde se coince malheureusement dans la traversée de cette veine, ce qui entraîne un arrêt de onze mois. Le sondage est repris en octobre 1884 et le 9 décembre, il entre, à 263 mètres de profondeur, dans une couche exceptionnelle, d’une puissance de 16,25 m, « la grande couche ». A 283 mètres, une dernière couche de 2 mètres d'épaisseur est reconnue. Le sondage est définitivement arrêté le 25 février 1885, à 328 m de profondeur. Il avait reconnu au total une épaisseur de charbon de 25,35 m.
A 1.700 mètres environ au sud-ouest et au sud-est de Camp Grand, deux autres sondages sont infructueux. Il en est de même pour deux autres recherches exécutées à plusieurs kilomètres au sud, dans la plaine d'Albi. Ces cinq explorations montrent que, comme le bassin de Carmaux, celui qu'a découvert Grand n'est qu'un étroit fuseau de moins de 2 km de largeur, enchâssé entre les micaschistes à l'Est, les amphibolites à l'ouest, et d’une longueur qui ne franchissait pas le Tarn, vers le Sud. Mais l'épaisseur considérable du charbon est telle qu'il existe très probablement de 15 à 30 millions de tonnes exploitables. Les résultats de cette exploration étant satisfaisant, le Conseil général des mines, donne un avis favorable à la demande de concession, mais la Société des Mines de Carmaux en revendique l’obtention. Après d'âpres discussions, dont les détails sortent du sujet de cet article, cette demande est rejetée. |
Un décret en date du 12 octobre 1880 institue la Concession d'Albi et l'accorde à la Société minière du Tarn, auteur de la découverte. Son périmètre était limité par des lignes droites reliant la Guimerie, Saint-Jean-le-Froid, Castelnau-de-Lévis, la cathédrale d’Albi, le clocher de Notre-Dame de la Drèche.
Il est permis de dire que le véritable inventeur n'était pas une personne morale, mais bien un homme : Emile Grand. Celui-ci est naturellement chargé d'exploiter sa découverte.
LE DEBUTS DE L’EXPLOITATION CHARBONNIERE
Les circonstances sont malheureusement peu favorables en 1886 et la production houillère est en baisse sensible. Sur le capital social de 500 000 francs, il ne reste que 131 000 francs pour engager les travaux d'exploitation. Néanmoins, sous l'impulsion de Grand, le nouveau conseil accepte de commencer le creusement d'un puits à Camp Grand et d'entreprendre à sa base des recherches en vue de reconnaître le gisement. Le 18 juin 1889, la première couche est rencontrée. La seconde couche, dite Veine Marmottan, est d'un excellent charbon. Une nouvelle société d'exploitation, qui prend le nom de "Société des mines d'Albi" est créée. Emile Grand est confirmé comme directeur de la mine. On lui adjoint un jeune ingénieur, M. Petitjean. Un puits n° 2 est creusé auprès du puits n° 1 de Camp Grand. Il faut étudier la construction d'une laverie et d'un chemin de fer. Les premières ventes au commerce datent de juillet 1891. Le charbon est alors transporté par tombereaux jusqu'à la gare d'Albi-Midi. En 1892, les ventes, favorisées par une grève à Carmaux, atteignent 18000 tonnes.
1895 est la première année d'exploitation vraiment industrielle. La production atteint 65000 tonnes. En 1896, elle dépasse 96000 tonnes. Il a fallu à Grand près de quinze années d'effort pour arriver à un tel résultat. En 1900, Emile Grand commence le fonçage d'un troisième puits, baptisé le « puit de la Gare », beaucoup plus large que les deux premiers (5 mètres de diamètre utile contre 3,10 m). Terminé en 1903, il entre en service en 1905. À partir de ce moment, avec trois puits à Cagnac, un chemin de fer, la production s'accroît rapidement. L'extraction quotidienne peut dépasser 1000 tonnes en 1913.
Emile Grand fait valoir ses droits à la retraite en 1887. Il oriente jusqu'à sa dernière heure les travaux de la mine qu'il avait créée. Il est nommé vice-président du conseil d’administration en 1916. Parallèlement, il est élu vice-président (1887), puis président (1916) de la Chambre de Commerce d’Albi.
Il meurt en 1926, à Albi, dans la maison qu’il avait fait construire au 15 boulevard Carnot.
PF
Sources et crédit photographies
Jean-Emile Grand, inventeur des Mines d’Albi, par René Samuel-Lajeunesse
http://www.annales.org/archives/x/grand.html
Une aventure humaine et technique dans le Tarn. Les mines d’Albi-Cagnac (1886-1979).
J.-A. Costumero et G. Discour cood., Editions SEREN Patrimoine, 2002.
En savoir plus
Dynamique du Bassin de Carmaux et géologie du Stéphano-permien des environs. B. Delsahut, Thèse Toulouse, 1981.
L'histoire de la découverte du gisement houiller de Cagnac les mines. L. Tocaben. Bull. Soc. tarnaise sci. nat., 2002, p. 74.