Alfred CARAVEN-CACHEN, le géologue (Castres 1835 - Salvagnac, 1903)
Erudit, amateur, totalement autodidacte, le CastraisCaraven-Cachin touche à tous les aspects des sciences de la Nature, botanique, zoologie, malacologie et géologie, mais c’est en archéologie et préhistoire qu’il réalise son œuvre la plus notable. Fils d’un commerçant castrais, catholique, Alfred Caraven ajoute à son nom, après 1866, le nom de son arrière grand oncle, le baron Joseph Cachin.
Disciple du jeune Roux du Carla, il découvre avec lui des ossements de mammifères tertiaires qui sont à l’origine de sa vocation. Ses premières notes géologiques datent de 1863, il avait 24 ans. Il découvre avec lui des ossements de mammifères tertiaires qui sont successivement confiées à J.-B Noulet (1863), à P. Gervais qui les figure dans la Paléontologie française (1867-69), puis à H. Filhol (1878)(qui illustrera ces faunes dans les « Vertébrés fossiles d’Issel », 1888).
Mais c’est en Archéologie et en préhistorique qu’il réalise sont œuvre moins critiquée, en particulier deux ouvrages « Sépultures gauloises » (1872) ; « Le Tarn et ses tombeaux (1873) et une Carte archéologique du Tarn (1867). Il co-fonde la Commission des Antiquités de Castres (1877).
Alors qu’il s’était surtout intéressé à « la Sépulcrologie » tarnaise, sous l’impulsion « du regretté M. Hebert » (dont il nous apprends qu’il est venu à Castres en 1879), Caraven Cachin revient à la géologie et publie, à partir de 1878, une multitude de notes sur la géologie locale dans le Bulletin de la Commission des antiquités de Castres dont il est devenu le secrétaire, entre 1879-1882. La liste qu'il en donne ne prends pas mois de 12 pages à la fin de son ouvrage de 1898.
Il quitte Castres en 1883 pour s’établir à Salvagnac où il s'était marié. A partir de cette date ses travaux porteront surtout sur le nord du département dont il explore méthodiquement les dépôts molassiques et entreprend vraisemblablement l'étude du Tarn-et-Garonne.
Il nous apprend qu’il travaille lui aussi depuis 1879 à l’élaboration d’une carte géologique du Tarn, à laquelle il adjoindra une carte du Tarn et Garonne. Il aurait achevé le document en 1885 quand il concourt pour le prix Delesse et l’expédie à l’Académie, avec un épais dossier comportant le manuscrit d’une « esquisse géographique et géologique du département du Tarn ». L’exemplaire unique de cette Carte est toujours conservé dans le fond Caraven-Cachin de la médiathèque d’Albi. Il lui adjoint une carte géologique du Tarn-et-Garonne, datée de 1883, qui figure toujours dans la bibliothèque de l’Institut sous forme d’une feuille collée sur toile (référence : in-Folio X 302, in Durand-Delga, 2004).
Caraven-Cachin ne gagne pas le prix mais le rapporteur, l’académicien Daubrée, souligna le « grand labeur » de ce « travailleur isolé …très zélé et habile explorateur », responsable d’une « accumulation considérable de faits » (1885).
De ses travaux, se dégagent cependant six textes à l’Académie des Sciences, parmi lesquels on retiendra un premier inventaire des faunes tertiaires du Castrais (1878) et un recensement des restes d’Elephas primigenius dans les terrasses inférieures du Tarn et de l’Agout (1881), une communication à la Société géologique de France (1880) et plusieurs communications lors de divers congrès de l'A.F.A.S. (Association pour l'Avancement des Sciences)lors desquels il précise sa conception de la géologie tarnaise (entre 1889 et 1890).
On retiendra surtout une magistrale « Description géographique, géologique, minéralogique, paléontologique, palethnologique et agronomique des départements du Tarn et de Tarn-et-Garonne» (1898), volumineux ouvrage dans lequel l’auteur procède à la description méthodique des formations lithologiques des deux départements. Il donne également une foule d’anecdotes d’ordre historique et archéologique et des renseignements sur l’agriculture, les sources, les matériaux utiles, les métaux,… qui en font une réelle encyclopédie départementale. Mais dépourvu de méthode, se perdant dans les détails, il ne tire pas les conclusions que son travail opiniâtre de terrain lui aurait permis, et son travail est difficilement utilisable en pratique. S’en dégagent cependant les avancées suivantes :
- Dans le granite du Sidobre, il voit un « granite fondamental qui a été consolidé dans les profondeurs de l’écorce terrestre et qui est venu au jour par faille » point de vue, fréquent à cette époque. Il n’hésite pas à soutenir ce point de vue face à celui de Bergeron.
- Le « Houiller ». Le bassin de Carmaux fait l’objet de longs développements, déjà publiés en 1886, Il énumère les sondages effectués par l’ingénieur Grand, prouvant son extension vers le Sud. Il s’étend aussi sur le bassin de Réalmont et sur celui de Murat, à l’Est du département.
- Le Permien : A la suite de Bergeron (1889), il sépare les dépôts sombres de l’Autunien des dépôts rouges du Saxonien, dans lesquels il distingues trois niveaux distincts qu’il suit dans le massif de la Grésigne et qui l’amènent à reconnaître sa structure anticlinale. Il place justement dans le « Saxonien supérieur » les niveaux gypseux des carrières de Merlin.
Curieusement, il élude totalement le Trias dont il renvoi les niveaux gréseux et dolomitiques dans le Saxonien, sans les avoir décrits.
- Si le Jurassique grésignol ne lui apporte rien d’original. Il précise la succession de Péron mais il persiste un certaine confusion dans les successions des faunes. Sa terminologie de « calcaires à rangs de pavés » qui désignait, à la fois, un faciès du Pliensbachien et du Toarcien, est encore utilisé. Il découvre le lignite des Gardelles qu’étudiera plus tard M. Durand-Delga.
- Le Tertiaire est longuement traité. Il nous offre une énumération méticuleuse et redondante des faciès rencontrés, secteur après secteurs, mais sans jamais en préciser la succession stratigraphique. Les âges et la synchronisation des formations, notamment calcaires, qu’il nous donne se sont avérés souvent erronés.
Dans le Sud-Est du Tarn, il signale les « argiles rutilantes qui remplissent la baie de Saint Amans (vallée du Thoré) jusqu’à Lacabarède » (actuelles Argiles de Rieussequel), non vues par Vasseur (mais déjà signalées par de Boucheporn jusqu’à Saint-Amans) et qui n’apparaitront que sur la 2ème édition de la feuille de Castres (Ramière de Fortanier, 1932).
En raison de la présence du « Lophiodon d’Issel », il donne un âge lutétien aux à ces premiers dépôts tertiaires du golfe du Castrais (actuelles Argiles à graviers de Mazamet).
C’est donc tout naturellement qu’il place le Calcaire de Castres (actuel Lutétien) dans le Bartonien, les séries molassiques à vertébrés du Castrais (Molasses bartoniennes de Saix et Lautrec) dans le Ludien, les Calcaires de Ronel et de Saint-Martin, dans le Sannoisien,… entrainant le décalage d’un étage à toute la stratigraphie de l’Albigeois par rapport aux travaux contemporains de Vasseur.
Il place toutefois justement dans le Stampien le Calcaires de Cordes et cite, du même âge, « les lignites du calcaire de Cestayrols … très fossilifères », les niveaux à « meulières et silex … autrefois exploités en carrières souterraines (sans doute celle d’Amarens) pour confectionner des meules de moulin à moudre les grains ».
. Il extrait des molasses des environs de Salvagnac plusieurs fossiles de vertébrés auxquels il assigne un âge Aquitanien. L’un d’eux sera décrit par Fréderic Roman sous le nom d’Anthracotherium albigensis (1911). Ils se révèleront s’âge stampien terminal-stampien basal.
. Les Poudingues de Palassou : Il reconnait dans la molasse plusieurs niveaux de conglomérats à éléments de calcaire marin (Jurassique, crétacé, calcaire à nummulites ou alvéolines de l’Eocène) et qui « constituent une vaste nappe ininterrompue… qui s’étend sur plus de 100 km de longueur des Pyrénées au Plateau Central » (1899). De tels niveaux avaient déjà été reconnus par Magnan, puis par Rey-Lescure au-dessus des molasses de Puylaurens, mais ces auteurs en faisaient du Quaternaire. Caraven-Cachin, le premier, les parallélise avec les « Poudingues de Palassou », produits de la démolition des Pyrénées, essentiellement à l’Eocène, dont les puissantes accumulations au pied nord de la chaine, des Corbières au Béarn, se diluent vers le Nord dans l’ensemble marno-gréseux continental et d’eau douce de la Molasse aquitaine. L’identification de ces poudingues à la formation « de Palassou » firent l’objet d’une vive discussion entre le professeur Vasseur, de Marseille, et Caraven-Cachin, mais en nommant sous la même appellation « de Palassou » des faciès conglomératiques variés, même quand ils ne sont que quartzeux et venus du Massif Central. Vasseur, prouva ensuite (1893-1894) que ces poudingues « pyrénéens » envahissent plusieurs niveaux de la Molasse, jusqu’aux environs de Saint-Paul Cap-de-Joux, ce que confirmera en 1909 Mengaud.
. Les « brèches de la Grésigne » drapent le flanc sud de cet anticlinal. L’âge de ces couches grossières (traitées, selon Caraven, de « calan » dans le pays), à ciment souvent rougeâtre, « peut donner lieu à contestation » : il les attribue à l’Eocène moyen, en les comparant aux argiles et conglomérats des environs de Castres. Il se démarque ainsi justement de Boucheporn (1848) et de Rey-Lescure (1883) qui croyaient que ces « brèches » remplissaient une vallée entaillant la Molasse.
. Il soutient que la masse des molasses gréseuses du castrais (actuelles Molasses de Saix et de Lautrec), horizontale, non tectonisée, est largement discordante, à la fois sur le socle paléozoïque et sur l’ensemble formé par les « Calcaires de Castres » et les « Argiles rutilantes » (actuelles Argiles de Hauterive) qui seuls ont subi la tectonique tertiaire « Cette stratification discordante … doit être considéré comme un des traits les plus saillants et les plus caractéristiques de la géologie de nos contrées ». Cet évènement tectonique que Caraven-Cachin place à la fin du Bartonien marquerait le soulèvement de la Montagne Noire. Ce qui, au final, n’est pas si mal vu !
Il aura manqué à ce géologue une formation universitaire de base qui lui aurait apporté méthode et sens critique dans ses interprétations. Par exemple, dans son exposé préliminaire de « géologie historique », il évalue à « 9522 m 40 » (sic) à l’ensemble des assises géologiques étudiées.
Il tenta aussi d’apporter sa pierre à la terminologie stratigraphique qui, à l’époque, n’était pas fixée autour de la limite Oligocène-Miocène avec la créations d’« étages » en milieu continental ; le « Varénien », « pour l’Oligocène terminal (il y a même un «étage Parouquien) » ; l’« Allocène » qui désigne une période intercalée entre Oligocène et Miocène, pourrait correspondre à l’actuel étage Chattien. Ils n’eurent aucun écho.
Il décède à Salvagnac fin mai 1903.
Sources : Revue des Pyrénées, XV, 352 - Bull. de la Société archéologique du Midi de la France, XXIX-XXXI, 329.
Durand-Delga (2004)
PF
Travaux de A. Caraven-Cachin sur le Tarn et le Tarn et Garonne