Dossier

UN PATRIMOINE GEOLOGIQUE PEU CONNU : LES GISEMENTS DE VERTEBRES FOSSILES DE L’EOCENE MOYEN DU CASTRAIS (TARN, LUTETIEN SUPERIEUR A BARTONIEN SUPERIEUR)
HISTORIQUE DES DECOUVERTES ET REVUE BIBLIOGRAPHIQUE


GISEMENTS DES ARGILES A GRAVIERS DE MAZAMET


Payrin-Augmontel
(MP 13-14 ?)

Dans la 2ème édition de son « Mémoire sur les Coquilles fossiles », Noulet (1868, p. 36) nous apprend qu’il a « vu récemment dans la collection de M. A. Fontan, receveur des domaines à Mazamet, des dents... qu'il... croit appartenir aux trois Lophiodons d’Issel » provenant de « Peyrin et des argiles ferrugineuses et caillouteuses qui sont placées à la base du Causse de Labruguière qu’elles supportent ».
Ces fossiles lui permettent de placer les Argiles à graviers du Castrais dans l'Eocène, en équivalence avec les Grès d’Issel.

* M. A. Fontan, receveur de l'Enregistrement à Mazamet, découvre, dans le Miocène de Saint-Gaudens (Haute-Garonne), une machoire inférieure et un humérus d'un grand singe, que Edourd Lartet décrit en 1856 sous le nom de Dryopytecus fontani et qui sera refiguré par Albert Gaudry.
Il explore, dès 1857, de nombreuses cavités pyrénéennes dont deux grottes des environs de Massat où il constate la coexistence d'ossements ... " du grand ours des cavernes, de grande hyène, d'un grand chat " et de dents humaines . Ces observations seront confirmées en 1860 par Lartet qui entreprend alors de fouiller la grotte d'Aurignac.


Caraven Cachin (1878) reprend information mais dans sa synthèse départementale de 1898 (p. 237), évoque les fossiles, cette fois, de la Collection Huc, négociant à Mazamet, « fossiles qui consistent en plusieurs dents appartenant au genres Lophiodon et aux espèces décrites par Cuvier sous le nom de Lophiodon isselense, L. tapirotherium et L. occitanicum, Tortues, Crocodites indet… représentent le terrain tertiaire supra-nummulitique qui peut correspondre au Calcaire grossier de Paris… et les font placer à la base de l’Eocène supérieur, c’est à dire dans l’étage Lutétien ». S'agit il des fossiles de la collection Fontan signalés par Noulet ou de nouveaux éléments ?

Stehlin (1904a, p. 473) ajoute « je ne sais ce que ont devenus ces documents, à l'exception d'une prémolaire supérieure, qui a échoué ou Musée de Bâle, et que j'ai devant moi ; elle a les dimensions qui correspondent à celles du Lophiodon isselense... ». Stehlin ne dit pas quelle est l'origine ses échantillons ni comment ils sont parvenus au musée de Bâle.

Ils n'ont pu être examinés par Richard (1946) qui fait, cependant le point sur le gisement de Payrin-Augmontel et place naturellement ses faunes, ainsi que l’ensemble des Argiles à graviers de Mazamet, au même niveau que les faunes d'Issel, c'est à dire dans le Lutétien supérieur.

Les Argiles rouges placées sous les Calcaires de Castres et de Labruguière
sont recoupées par la RN 112 à l'Ouest d'Augmontel


L'identité de la faune de Payrin avec celle d'Issel est elle absolue ?
La révision paléontologique de ce dernier gisement par le montpelliérain Marandat (1987) a fait apparaitre d’importantes incertitudes sur son âge réel, qui s’échelonnerait du Lutétien supérieur au Bartonien supérieur. Sudre et al. (1992), puis Aguilar et al. (BiochroM'97, 1997) le placent notamment au niveau dans le Bartonien basal, Biozone MP14. 

Quelle que soit la justesse de la détermination de Stehlin (1904), il est vraisemblable que le gisement de Payrin puisse être situé entre les Biozones MP 13 et MP 14 du passage Lutétien - Bartonien, soit un âge presque identique à celui du Roc de Lunel, au sommet des mêmes calcaires.
Il est clair que, en l'absence de nouvelles récoltes, il sera impossible de fixer de façon précise l'âge des Argiles qui supportent le Calcaire de Castres.


GISEMENTS DES CALCAIRES DE CASTRES ET DE LABRUGUIERE

Castres - Sagnes

Ce gisement est signalé à Roux du Carla (1860), d’après des fossiles donnés par M. Valette (architecte à Castres), provenant d’un lit d’argile ligniteuse interstratifié dans le calcaire lacustre de Sagnes, à Castres. Ce gisement, aujourd’hui immergé, est situé sur la rive gauche de l’Agout, 100 m en amont du Pont Miredames. D’après Roux du Carla (1860, p. 144), les faunes consistent en « des restes de vertébrés carbonisés, mais cependant d’une belle conservation... d’assez nombreux ossements fossiles, de crocodiles surtout,… une incisive de Lophiodon lautricense,… Anaplotherium leporinum,... et deux espèces de crocodiliens dont une espèce nouvelle, Crocodilius rouxi... ».

Noulet (1863) détermine et décrit «  Aphelotherium rouxi » sur une mandibule droite avec quatre molaires et trois dents mandibulaires isolées » données par Roux. Le Crocodilius rouxi, seulement cité par Noulet, sera plus tard décrit et figuré par Astre (1931, fig. 5).

Dans ce gisement, Caraven Cachin (1898) signale "Adapis parisiensis, Anoplotherium commune, Palaeotherium medium, Paloplotherium annectens, P. minus, Lophiodon lautricense, tortues, crocodiles et des ossements de poissons ". Mais ces déterminations n’ont pu être vérifiées à ce jour.

Stehlin (1904a, p. 474) évoque le gisement mais n'a pu retrouver le type de l'Aphelotherium rouxi qu'il considère comme perdu.



La partie supérieure du Calcaire de Castres affleure sur les berges de l'Agout (rive droite) à la traversée de Castres, ici au nord du Pont Miredames, face au gisement de la Fontaine de Sagnes situé sur la rive gauche

Espèces nouvelles de ce gisement :

Aphelotherium rouxi
NOULET, 1863, p. 14 : une mandibule droite donnée par Roux, pouvant se rattacher, d’après Stehlin (1904, p. 474 ; 1912, p. 1373), à un Lémurien primitif du genre Adapis. Les échantillons originaux qui n'avaient pu être observés dans les collection du muséum de Toulouse, ni par Stehlin (1904a, 1912, p. 1373), ni par Richard (1946, p. 31), sont récemment retrouvés à l'occasion du récolement des collections de paléontologie.
Nous devons à la bienveillance de M. D. Descouens (Institut Picot de Lapeyrouse, Muséum de Toulouse) une photographie de l'échantillon type (ci-dessous).

Adapis rouxi (NOULET, 1863). Echantillon-type (n° 2012.0.182). Mandibule droite avec quatre molaires.
Castres, Fontaine de Sagnes.
Collection Roux-Noulet. Photographie D. Descouens


Crocodilius rouxi NOULET, 1863, p. 18 :
- Plusieurs dents de la collection Roux, conservées au muséum de Toulouse, figurées par ASTRE, 1931, p. 52, fig. 5.
- Dents recueillies par Caraven, figurées par Gervais, 1867-69, pl. XXX, fig. 16-17.


Figurations des échantillons-type par Astre, 1931, fig. 5

Castres – le Rocher de Lunel (MP 14)

Les premières citations de vertébrés dans les calcaires des carrières du Roc de Lunel sont données par Roux du Carla (1860). C’est Noulet (1863) qui fait connaître la richesse de ces calcaires qui lui fournissent, ainsi qu’à J. Parayre, de nombreux fragments de « Lophiodon lautricense ... malheureusement très fracturés par l’effet de la mine », de « Palaeotherium minus » et de « Paloplotherium minus ». Il semble que, d'après les étiquettes du Musée de Toulouse, la plupart des récoltes de "Lophiodon lautricensis" au Roc de Lunel soient dûes à Charles Marturet (n°2010.0.117 ; 2013.0.205, 207, 208).

Ces faunes sont partiellement illustrées par Filhol (1888). Elles sont revues par Stehlin (1903, p. 94 ; 1904a, p. 47) qui les figure à nouveau en 1905b (p. 562, fig. XLV). Il rapporte le Lophiodon à l'espèce Lophiodon rhinocerodes, "forme dont le caractère intermédiaire entre les Lophiodons d’Issel (L. isselense) et les Lophiodons géants du Bartonien (L. lautricense) évoque, pour ce gisement, un âge Lutétien terminal".
Pour Stehlin (1905a, p. 352), le Plagiolophus signalé par Noulet pourrait correspondre au Plagiolophus cartieri " du Lutétien supérieur d'Egerkingen ".


Les Calcaires de Castres dans la carrière du Rocher-de-Lunel, en 2011


Cet âge sera reconsidéré par Sudre et al. (1992) et rapproché de la Biozone MP 14, soit un âge Bartonien basal, qui est le niveau habituel du Lophiodon rhinocerodes (Aguilar et al., 1997).
La découverte par Sige et Marandat (en 1994), dans un niveau argileux des Calcaires de Castres ("banc vert"), d'une dent de rongeur décrite par Escarguel (1999, p. 250) au sein de l’espèce Protadelomys alsaticus, serait plus en faveur d'un âge Lutétien terminal du niveau fossilifère du Rocher de Lunel, situé cette fois autour de la Biozone MP 13.

Espèces figurées de ce gisement :

Lophiodon rhinocerodes RÜTIMEYER = L. lautricense NOULET in Filhol, 1888, p. 127, pl. XIII, fig. 3 (une molaire inférieure) et p. 127, pl. XIX, fig. 9-10 (extrémité inférieure de l’humérus).

Lophiodon rhinocerodes RÜTIMEYER, Stehlin, 1905b, p. 562, fig. XLV (M2-P1, Muséum de Toulouse, figuré ci-contre)

 

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