UN PATRIMOINE GEOLOGIQUE PEU CONNU : LES GISEMENTS DE VERTEBRES FOSSILES BARTONIEN SUPERIEUR DU CASTRAIS
HISTORIQUE DES DECOUVERTES ET REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
GISEMENTS DES "GRES, ARGILES ET CONGLOMERATS DE VIVIERS-LES-MONTAGNES".
ENVIRONS DE NAVES, DE VIVIERS, DE SAIX ET DE FREJEVILLE
AGE BARTONIEN SUPERIEUR (MP 16)
Viviers-les-Montagnes, La Massale
Ce lieu-dit se situe sur la commune de Viviers-les-Montagnes, à la limite de la commune de Navès. Une carrière, actuellement disparue, y exploitait les grès fins et grossiers d’un chenal gréseux.
Sa première apparition dans la littérature est due à Roux du Carla (1860, p . 148) qui signale le don par A. Caraven de diverses molaires de Paléotheriums et un fragment de mâchoire inférieure « d’Anaplotherium murinum ».
Noulet (1863) nous informe avoir obtenu « bon nombre de débris … distribués par les ouvriers qui exploitent les grès de la Massale » et signale un important don de fossiles à l’Académie des Sciences de Toulouse en 1862, comportant, notamment, une portion de maxillaire inférieur de Palaeotherium castrense, des molaires supérieures de Palaeotherium magnum (= P. castrense), un fragment de mandibule de Xiphodon gelyense (= X. castrense), ainsi que des dents de Crocodilus rollinati. En 1867 (p. 177), Noulet ajoute le chélonien Allaeochelys parayrei.
Il semble qu’à partir de 1860-62, Caraven soit en relation avec Paul Gervais à qui l’essentiel des fossiles de la Massale sont adressés. Le "Palaeotherium magnum ou velanum" (= Palaeotherium castrense) de la Massale est ainsi figuré dans sa « Zoologie et Paléontologie générale » (Gervais, 1867-69, pl. XXIX, fig. 1-4).
Lui-même décrit succinctement, une tortue, découverte dans ce gisement le 16 mars 1880, sous le nom de Trionyx filholi CARAVEN CACHIN, 1880 (nomen nudum), sans la figurer (Caraven-Cachin et Poitevin, 1880, p. 255).
Il recueille (date sur l'étiquette 1869) un fragment de tête de Crocodilius rollinati (que Caraven-Cachin publie en 1880, p. 266), conservée au musée d’Albi, qui sera plus tard étudiée et illustrée par Astre (1931, p. 47, fig. 4) puis attribué à Iberosuchus crassiproratus (ASTRE) par Godinot et al., 2018, p. 179).
D’après Stehlin (1904, p. 178 ; 1905a, p. 169) et Richard (1946, p. 60), Palaeotherium castrense (retrouvé sous le n° 2013.0.283) et un Artiodactyle sp. ind. (peut-être Xiphodontherium sp.) sont présents dans la collection Noulet du Musée de Toulouse.
La collection Caraven-Cachin du Musée d'Albi renferme un beaucoup plus abondant matériel, permettant de reconnaitre, malgré un état de conservation inquiétant, de nombreux fragments de maxillaires et de dents de Palaeotherium castrense, en particulier les spécimens figurés par Gervais (1867-69, pl. XXIX), ainsi qu'un museau et de nombreuses dents de Pristichampsus rollinati.
Stehlin qui a visité cette collection dès 1905 y cite en outre Palaeotherium rütimeyeri (1905, p. 291), échantillon attribué par Frantzen (qui visite de la collection en 1965) au Palaeotherium pomeli.
Le gisement a fourni un chélonien remarquable, d'origine inconnue, récolté d'après De Stefano, en 1896 et qui était conservé depuis dans les collections de la Sorbonne, à Paris. Ce spécimen d'un volumineux Allaeochelys permit à Di Stefano (1902), ignorant la publication peu diffusée de Noulet (1867), de définir le genre nouveau Castresia. Il semble que cet exemplaire (Castresia munieri) soit actuellement perdu (De Broin, 1977).
Un nouvel Allaeochellys parayrei, provenant cette fois des collections du Musée de Toulouse, est figuré par de Broin, en 1977 (p. 206, pl. XVI, fig. 1)(n° 2010.0.115).
L'ancienne carrière de la Massale, en 2011. Au fond, à gauche, le Mont de Saix
Espèce nouvelle de ce gisement :
Trionyx filholi CARAVEN CACHIN, 1880 (nomen nudum). Exemplaire non retrouvé en collection, détermination considérée comme nulle par Bergounioux (1935, p. 53) en raison de l’absence de description.
Espèces figurées de ce gisement :
Palaeotherium castrense NOULET, 1863 : Gervais (1867-69) pl. XXIX, fig. 3a et fig. 1, 2, 4 (= P. magnum ou velanum) (Stehlin, 1904a, p. 457) (Musée d'Albi).
Iberosuchus crassiproratus (= Pristichampsus rollinati (GRAY)) : Astre, 1931, p. 47, fig. 4 (Musée d'Albi).
Castresia munieri DE STEFANO, 1902, pl. XVI (= Allaeochelys parayrei NOULET) (Coll de la Sorbone).
Allaeochelys parayrei NOULET : De Broin, 1977, p. 206, pl. XVI, fig. 1 (Musée de Toulouse).
Maxillaire inférieur de Palaeotherium castrense de la Massale.
N°364 de la collection Caraven-Cachin du Musée d'Albi.
Echantillon figuré par Gervais, 1867-1869, pl. XXX, fig. 3 sous le nom de Palaeotherium magnum ou velanum
Figure originale de Gervais, 1867-1869, pl. XXX, fig. 3-4
Viviers-les-Montagnes, les Bessous
Ce hameau situé à l’Est de Viviers-les-Montagnes, se place au milieu de la formation des « Grès, argiles et conglomérats de Viviers ». Le promontoire sur lequel se situe le hameau semble armé par des grès molassiques que l’on peut voir à l’affleurement, en contrebas des habitations. Toutefois, le site de la découverte des fossiles n’est pas repéré de façon précise par Roux du Carla (1860, p. 147) qui y recueille, en septembre 1855 et en mars 1856, deux mâchoires et plusieurs dents d’un Paléothérium qu’il confie à Noulet.
- La première (Palaeotherium medium in Roux) servira de support à la description de Palaeotherium castrense NOULET (1863, p. 187) dont le type sera figuré par Stehlin (1904, p. 456, pl. XI, fig. 6-6a).
- La deuxième, correspond au Palaeotherium minus (in Roux), confiée à Noulet par le père de Roux (1864, p. 12 ) (Léonce Roux du Carla est décédé en 1859), puis désignée Plagiolophus cf. minor par Stehlin (1904, p. 463) qui n’a pu réexaminer l’échantillon, ni à Castres, ni à Toulouse.
Roux du Carla y aurait aussi récolté des dents du crocodilien que Astre (1931) attribut à Pristichampsus rollinati (Iberosuchus crassiproratus selon Godinot et al., 2018).
Le gisement est encore cité par Vasseur (1896, Carte Géologique de Castres), Caraven-Cachin (1898, p. 281) et Richard (1946, p. 60).
Le
Chélonien Allaeochelys parayrei y est présent sous le n° 2013.0.284. Cet échantillon est signalé par Hervet (2003, p. 303).
A noter que les colections du Museum de Gaillac renferment une dent de "Crocodilius" rouxii (n° R27).
Espèce nouvelle du gisement :
Palaeotherium castrense NOULET (1863, p. 187) in Stehlin, 1904 a, p. 456, pl. XI, fig. 6-6a (collection Roux, actuellement conservée dans les locaux du CERAC, à Castres). Photographie du spécimen-type, ci dessous.
Il semble que l'on perde la trace du spécimen-type depuis les années 1940, jusqu'en 1968, année où il est localisé au Lycée Jean-Jaurès par Frantzen qui le décrit à nouveau. Des travaux de restauration et de consolidation sont entrepris en 1994 par J. Remy, du laboratoire de Paléontologie de Montpellier, à l'initiative de Bernard Sigé*. Plusieurs moulages sont effectués et déposés dans plusieurs laboratoires de géologie.
*Bernard Sigé est professeur à l'institut de Sciences de l'Evolution de Montpellier et ancien élève du Lycée de Castres où il est le témoin, un jeudi matin de l'année 1957, du déménagement de la collection de l'ancien musée de Castres vers la décharge publique.
Spécimen-type du Palaeotherium castrense. Collection Roux, CERAC (Castres)
Viviers-les-Montagnes
Les « Grès de Viviers » affleurent de façon particulièrement démonstrative dans la localité, sous forme de 15 à 20 m de grès et de microconglomérats chenalisés, granoclassés, à laminations obliques et entrecroisées témoignant d’un réseau de chenaux en tresses (photo ci-dessous).
Les fossiles des « Grès de Viviers » sont pour la première fois évoqués par Roux du Carla qui souligne leur richesse en restes de Chéloniens (Trionyx parisiensis in Noulet, 1867, p. 16) et de Crocodiliens fossiles « il n’y a pas d’affleurement de grès … qui n’en présente quelques restes, dents ou plaques » (1860, p. 145). Un fragment de maxillaire « ayant environ 30 cm de longueur sur une largeur de 20 cm et portant 7 dents » qui faisait partie de la collection Roux du Musée de Castres, est attribuée par Noulet (1867, p. 17) et Astre (1931, p. 50) au Pristichampsus rollinati, puis à Iberosuchus crassiproratus par Godinot et al. (2018).
Une dent de Crocodilius rouxi en proviendrait également.
Les "Grès de Viviers", grès et microconglomérats à stratifications entrecroisées
Bien que Roux n’y cite que de rares restes de mammifères (une incisive de Lophiodon lautricense et une forme voisine de « l’Anoplotherium murinum »), le gisement aurait fourni, par la suite, de nombreux fossiles conservés dans l’ancien musée de Castres et au muséum de Toulouse (Stehlin, 1904a ; Richard, 1946, p. 59) ainsi que dans le Musée d’Albi (Stehlin, 1903, p. 95).
Le Leptolophus nouleti STEHLIN est une espèce nouvelle du gisement. Metanchilophus castrensis REMY, 2012 (= Anchilopus sp.) est figuré par Stehlin (1904a, pl. XI, fig. 2). Les accompagnent Lophiodon lautricense NOULET (une mâchoire supérieure, au musée de Castres et plusieurs molaires de lait, à Toulouse ; Stehlin, 1904, p. 447 ; Richard, 1946, p. 59) et Palaeotherium castrense NOULET (plusieurs molaires, du musée de Castres).
Espèce nouvelle figurée de ce gisement :
Leptolophus nouleti STEHLIN, 1904, p. 460 : un maxillaire gauche, type de l'espèce, figuré pl. XII, fig. 9-9a, refiguré par Remy, 1998, p. 54, fig. 6, pl. 1, fig. 3 (musée de Toulouse sous le n° 2010.0.62) et une molaire inférieure (musée de Castres).
Espèces figurées de ce gisement :
Metanchilophus castrensis REMY, 2012 (= Anchilophus sp. STEHLIN, 1904, pl. XI, fig. 2, musée de Toulouse sous le n° 2010.0.9).
Dents de Crocodiles recueillies par A. Caraven : Gervais, 1867-69, pl. XXX, fig. 16-17.
Lophiodon lautricense Gervais pl. XXVIII, fig. 3 et Filhol pl. XVIII, fig. 6, d’après Stehlin 1903, p. 95.
Saix
Des « Grès de Saix » proviendraient divers restes de Paléothérium récoltés par le J. Parayre et confiés à Roux du Carla (1860, p. 148, 149). De ces échantillons semblent ne subsister dans les collections du musée de Toulouse qu’une mandibule de Palaeotherium pomeli FRANTZEN (Palaeotherium sp. in Stehlin 1904, p. 459 = P. rütimeyeri in Stehlin, 1905a, p. 291 et 1905b, p. 459), effectivement retrouvée par Richard (1946, p. 59), répertoriée sous le n° 2013.0.269.
Lophiodon lautricense est aussi signalé à Saix, mais non localisé précisément par Caraven-Cachin (1898, p. 281).
D'après Hervet (2003, p. 333), le chélonien Allaeochelys pareyrei NOULET y est également présent.
Navès, Mont de Saix
Un paléo-chenal conglomératique et gréseux, à galets paléopyrénéens, forme par inversion de relief, l’ossature la colline de la Croix de Galèye et surmonte la série du Bartonien des Mont de Saix. Caraven-Cachin (1898) y énumère une riche faune de Palaeotherium, Paloplotherium, Anchilophus, Lophiodon, tortues et crocodiles divers, à ce jour non retrouvés en collection. Ces conglomérats ont fourni à Mouline (1989) des dents et des fragments d’os de vertébrés indéterminés.
Le relief du Mont de Saix est surmonté par un paléochenal fluviatile gréseux et conglomératique
mis en relief par l'érosion
suite. Gisements des environs de Soual