Dossier

UN PATRIMOINE GEOLOGIQUE PEU CONNU : LES GISEMENTS DE VERTEBRES FOSSILES BARTONIEN SUPERIEUR DU CASTRAIS
HISTORIQUE DES DECOUVERTES ET REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

 

COMPOSITION DES FAUNES

Les mammifères

La faune du Castrais est contemporaine de l’épanouissement des « grands » mammifères du Tertiaire inférieur. Elle compte une vingtaine d’espèces différentes de mammifères placentaires (ou Euthériens). Les Ongulés herbivores y sont les plus nombreux.

Parmi eux, les Périssodactyles représentent le groupe le plus abondant. Il comprend des animaux fossiles, à sabots en nombre impair, tels les actuels Rhinoceridés, Tapiridés (à trois doigts) et Equidés (à doigt unique). Tous sont des herbivores à estomac simple.

Les Lophiodondidés, sont des Périssodactyles cératomorphes, groupe aujourd’hui éteint, proches du tapir actuel. Le « Lophiodon de Lautrec », Lophiodon lautricense, espèce géante du groupe, en est le dernier représentant. Il ne laisse aucune descendance.

Mais la période est surtout marquée par l’explosion des Paléothériidés. Périssodactyles hippomorphes, ils ont une allure plus gracile que celle d'un tapir et sont probablement des ancêtres lointains des chevaux actuels. Apparus en Asie, ils colonisent l’Europe à l’Eocène moyen. Dès leur apparition, au Bartonien supérieur, le groupe semble déjà bien diversifié. Il s'épanouira de façon remarquable durant le Priabonien.


Le Bartonien du Castrais en a fourni plusieurs espèces : Palaeotherium castrense, Palaeotherium siderolithicum, Palaeotherium pomeli, Palaeotherium (Frantzenitherium) lautricense et des genres voisins : Leptolophus nouleti, Anchilophus (Paranchilophus) jeanteti, Metanchilophus castrensis, Plagiolophus annectens, Plagiolophus cartailhaci, Lophiotherium sp.

Les Artiodactyles, ongulés à sabots en nombre pair, commencent à se multiplier et à se diversifier. Déjà, ils ont plusieurs représentants dans le Castrais.

Le premier Xiphodontidés, Xiphodon castrense, forme gracile que l’on peut rapprocher des Camélidés actuels, mammifère à squelette léger, qui semble bien adapté à la course.


Un Suidés (Choeropotamidés) de petite taille, Choeropotamus lautricense, était très voisin de l’actuel Potamochère (photo ci-contre). Il est le premier représentant d'une lignée qui s'éteint avant l'Oligocène. Des formes proches, actuellement présentes en Afrique, affectionnent les forêts humides, denses et les zones marécageuses.

Dans les sables de Lautrec, les Cebochoeridés sont représentés par Cebochoerus (Gervachoerus) campichii et une espèce voisine, Cebochoerus (Cebochoerus) helveticus.

Parmis les Artiodactyles sont également présents dans la faune du Castrais un Anoplathériidés, Robiacina minuta, deux Dacrythériidés, Dacrytherium elegans et Tapirulus cf. schlosseri et un Amphiméricidés, Pseudoamphimeryx sp.
Le Catodontherium ? paquieri reste une forme non classée à ce jour.

Les primates sont représentés par Adapis aff. parisiensis, individu très voisin du tout premier Adapidés à avoir été identifié dans la faune de Montmarte par Cuvier en 1822. Les Tarsiidés y sont également présents, avec le genre Necrolemur.

Quadrupèdes arboricoles sauteurs, ils se déplaçaient en marchant sur les branches et leur mode de vie devait être peu différent de celui des Lémurs ou des Singes actuels.


Les rongeurs sont peu représentés dans le Bartonien du Castrais, Suevoscurus sp., Pseudoltinomys sp. (Théridomyidés), Gliravus sp. (Gliridés).

 

Un carnivores créodonte, Hyaenodon (dents de hyène), représenté par l’espèce Hyaenodon nouleti, devait dominer la chaîne alimentaire dans les plaines du Castrais. Il ressemblait vaguement à un loup (vue d'artiste ci-dessous), mais en plus massif. Sa mâchoire était armée de 4 longs crocs recourbés, de prémolaires coupantes et de molaires broyeuses.
Ses principales proies étaient les Xiphodons et les Paléothérium de petite taille.

 Ses principaux concurrents étaient Quercygale angustidens, carnivore Miacidé, de plus petite taille.

 

Les reptiles crocodiliens

Deux familles et trois espèces sont recensées dans le Bartonien du Castrais.

Seul le grand Iberosuchus crassiproratus, le plus souvent nommé Pristichampsus rollinatii par les auteurs, est connu par des ossements, en particulier par le crâne de Viviers-les-Montagnes. Les restes retrouvés le plus fréquemment sont des plaques osseuses ou des dents. En renouvellement permanent sur la mâchoire, celles-ci sont partout relativement abondantes dans les sédiments.
En l'absence de matériel assez complet, la détermination de l'espèce reste assez facile et les dents d'Iberosuchus sont bien reconnaissables à leur grande taille, leur forme aplatie et leur bord tranchant et dentelé. Cette famille de crocodiles (Eusuchiens, Sébécidés), possédait des pattes assez hautes dévoilant une aptitude à la marche rapide, et des sabots longs au lieu de griffes, à leur extrémité.

Iberosuchus crassiproratus. Vue d'artiste


D'après Antunes (1986), les gisements du Castrais illustrés par Astre (1931) renfermeraient un autre grand crocodilien du genre Iberosuchus dont les dents seraient caractérisées par leur taille bien supérieure à celle de l'espèce crassiproratuset par leur forme moins comprimée.


Crâne d'"Atacisaurus glareae" (= Kentisuchus) sensu ASTRE, 1931 du Lutétien d'Issel (Aude) (Muséum de Toulouse)



Des dents plus petites, coniques et effilées sont généralement attribuées à Crocodylius rouxii, espèce dont la réalité n’a pu être établie à l’aide d’ossements spécifiques. Plus proches des Crocodylius actuels, cette espèce semble plus adaptée à la nage et à un environnement marécageux ou fluviatile.

 

Les reptiles chéloniens

Noulet signalait dès 1867 la présence d’un nouveau genre de tortues fossiles dans les molasses du Castrais et proposait le nom d’Allaeochelys (espèce-type Allaeochelys parayrei). En l’absence de description précise du nouveau genre et de toute figuration, cette forme, bien que reconnue comme remarquable par Stehlin (1904a) passe inaperçue.
Cet oubli explique que le genre ait été décrit ensuite, de façon indépendante, par plusieurs paléontologistes. Le genre Castresia, synonyme d’Allaeochelys, est notamment décrit par De Stefano en 1902 sur la base d’échantillons de la Massale conservés dans les collections du Laboratoire de géologie de la Sorbonne.
Le genre Allaeochelys (famille Carettochelyidés) a, depuis, été retrouvé dans de nombreux sites européens. Le gisement lutétien (MP 11) de Messel en Allemagne en fournit de nombreux individus bien conservés (A. crassesculptata). L'Allaeochelys parayrei du Castrais est la dernière représentante du genre, en France.

Allaeochelys crassesculptata. Vue d'artiste

Trionyx

Parmi les tortues, le genre Trionyx (famille Trionychidés) semble le mieux représenté et les plaques fossiles disjointes de leur plastron sont particulièrement fréquentes. Les Trionyx sont des tortues carnivores à carapace molle, dont une vingtaine d’espèces existent encore de nos jours. Il s’agit toujours de petits prédateurs agiles, agressifs, très adaptés à la nage, qui chassent poissons et crustacés dans des eaux douces, lacustres ou fluviatiles. Les espèces actuelles sont reconnaissables à leur carapace aplatie. Les écailles cornées ont laissé place à une peau résistante comme du cuir. Les narines sont déplacées au bout d’une petite trompe. Ces particularités anatomiques semblent leur permettre la vie dans un milieu agité, de type fluviatile. Le fossile n’est connu, dans le Castrais, que par les nombreuses plaques osseuses ornées retrouvées isolées. Celles-ci proviennent, non de la carapace souple, mais du plastron. Neochelys mengauti (famille Pelomedusidés) est une espèce rare et mal documentée des molasses du Castrais, à laquelle Hervet (2003) attribut le même milieu de vie.

Hadrianus castrensis, décrit par Bergounioux (1935) (famille Testudinés), est par contre une tortue de terre que l’on peut « comparer avec les espèces de Tortues géantes, vivantes ou récemment éteintes qui se trouvent  en Afrique, dans les îles de l’Archipel des Mascareignes et… des Galapagos ». Il s’agirait ici, selon Bergounioux (1935) d'un des plus anciens représentants connus des « Tortues terrestres géantes ». Le genre Hadrianus s'éteint après le Bartonien.
Ces tortues se seraient accidentellement noyées dans un lit de fleuve en crue ou un marécage.

Hadrianus castrensis (BERGOUNIOUX). Castrais, localité inconnue

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