Biographies

Pierre BOREL*, médecin, érudit et naturaliste (Castres, vers 1620 – Castres 1671)

Erudit et naturaliste. Il s'intéresse à de nombreux domaines : médecine, biologie, physique, astronomie, linguistique, histoire, antiquités, curiosités, sujets sur lesquels il publie de nombreux ouvrages.

Né à Castres, d’un père géomètre et poète, il s’oriente vers la Médecine. Il fait ses études à Montpellier, passe son diplôme à Cahors en 1643, puis s’établit à Castres où il exerce son art. Il commence ses investigations dans de nombreuses disciplines et participera activement dès 1649 aux débats de l’Académie de Castres fondée en 1648 par Paul Pellisson.

Il forme d’abord un Cabinet de curiosités remarquables dont il publie la liste en 1645.

Son attachement à sa ville se traduit par la publication en 1649 un ouvrage consacré à l’Histoire naturelle du Pays Castrais, Les Antiquitez, raretez, plantes, minéraux et autres choses remarquables de la Ville et Comté de Castres d’Albigeois  (impr. A. Colomiez, Castres, 150 p.). Il sera ainsi le premier historien de la ville de Castres. Il y consignera de nombreuses observations qui font de lui l'un des premiers observateurs naturaliste. Dans l’un des chapitres intitulé « Des Pierres, et autres minéraux du terroir de Castres, et des merveilles d’iceux… », il décrit les « priapolithes » ou « bijoux de Castres », « pierres longues et rondes en forme membre viril » dont le conduit central « semble estre du sperme congelé ». On trouve aussi « des matrices de femme changées en pierre ». Il s’agit de constructions algaires, très nombreuses dans le Calcaire de Castres (Eocène), dues à l’activité d’une algue cyanophycée. Par son anthropomorphisme, Borel fait preuve d’une étonnante naïveté dans ses interprétations.
Observation plus importante, celle de « limaçons marins blancs et noirs pétrifiez… que les gens de ce lieu appellent des pardons.. », fossiles de gastéropodes oligocènes que Borel signale à Lautrec. S’amorce à leur sujet un début de discussion « c’est une chose bien estrange qu’ès lieux esloignez de la mer comme celui-cy, la nature produise du coquillage ». Pour lui, l’origine des « limaçons » peut-être soit surnaturelle et liée « à quelques constellations », soit résulter de la transformation de coquillage ayant vécu dans une « mer » (en fait un lac d’eau douce). L’ouvrage s’achève par un catalogue du Cabinet de curiosité de « Maistre Pierre Borel » dans lequel il cite divers fossiles « deux pierres à estoiles ou astroïte » (polypiers ?), « la pierre Hammonites » et « la pierre Entrechos » (ammonites et tiges de crinoïdes pouvant provenir de la Grésigne), « diverses coquilles de mer changées en pierre.. des tellines et des moules ».
Avant tout collectionneur, il est ainsi l’un des premiers à avoir admis l’origine organique des fossiles d’animaux que certains nieront encore au siècle suivant.

Il publie ensuite un ouvrage d’observations médicales, Historiarum et observationum medico-physicarum centuriae(1653), compilation de cas pathologiques et d’expériences glanées dans son activité de médecin ou empruntées à des collèges de la région.
Il sera plus tard (1655) nommé au titre honorifique de Conseiller et médecin ordinaire du Roy.

Borel monte à Paris en 1653 où il fréquente les salons littéraires et scientifiques et publie divers ouvrages tels le Bibliotheca chimica, seu Catalogus librorum philosophicorum hermeticorum… (1654), compilation bibliographique faisant autorité en matière de chimie, voire d'alchimie.
Dans son De vero telescopii inventore (Amsterdam, 1655), il apporte de précieux documents sur l’histoire et l'invention du télescope et sur les découvertes qu'il a permises, dont la découverte de Saturne par Huygens.

Le Observationum miscroscopicarum (1655) est rarement cité par les biographes. Pourtant, cet ouvrage particulièrement novateur fait de Pierre Borel le premier médecin décrit des observations au microscope. Il y consigne une centaine d'observations concernant les animaux, les végétaux et divers organes ou substances d'origine humaine :liquides séreux, lymphe dans laquelle il signale des corpuscule blanc (leucocytes ?), coeur, foie, rein, testicule.

Il publie également un dictionnaire de mots autrefois en usage dans la langue française, en particulier occitane, le Trésor des recherches et Antiquitez gauloises et françoises (1655).

Philosophe, enfin, il publie en 1656 la première biographie de Descartes et, un an plus tard, un Discours nouveau prouvant la pluralité des mondes.  Publié à Genève, dans un pays libre, cet ouvrage hardi pour son époque fait de Borel le premier vulgarisateur français des idées cosmologiques coperniciennes.

Cette manière d’émettre ses opinions semble cependant nuire à sa carrière et c’est sur un échec que Borel rentre à Castres en 1657.
Il y est nommé Régent de la classe de Seconde du collège de la ville, mais est révoqué sans ménagement en 1664. N'oublions pas que Borel était protestant. C'est ensuite tout le collège qui, par ordre du roi, passe sous la coupe de la Compagnie de Jésus.

Il s’adonne alors entièrement à ses travaux qui lui ouvrent les portes de l’Académie des Sciences de Castres où il est reçu en qualité de chimiste.
Ses derniers ouvrages sont publiés entre 1659 et 1666. Il s'agit d'un Avis sur la navigation de la rivière d'Agout  et d’un catalogue de plantes appliquées à l’art médical, Hortus seu Armanentarium simplicium, mineralium, plantarum et animalium…. (1666). Cet ouvrage est réédité en 1669, à Paris, chez O. de Varennes.

Il cesse toute publication pendant les cinq dernières années de sa vie. De cette période, on ne dispose d'aucun détail. Pauvre, délaissé et peu connu, Pierre Borel meurt en 1671 et son inhumation est enregistrée au Temple protestant de Castres à la date du 15 octobre.

Savant éclectique, curieux et infatigable compilateur, par son esprit et ses idées particulièrement novatrices, Pierre Borel a très certainement contribué à préparer les générations qui l'ont suivies à pénétrer de plein-pied dans la science moderne.

Pour en savoir plus :

Pierre Borel (1620?-1671), par Pierre Chabbert, Revue d'histoire des sciences et de leurs applications, 1968, tome 21, n° 4, p. 303-343.

Pierre Borel (1620?-1671). Médecin,et polygraphe castrais. Un curieux et ses mondes, par Jean-Pierre Cavaillé. Revue du Tarn, 1992, 3ème ser., n° 146, p. 243-281.

Notice sur Pierre Borel, par Oliviet Thill :http://olivier.thill.perso.neuf.fr/bio/borel1.htm

Pierre Borel. Un médecin provincial dans la révolution scientifique du grand siècle, par Pierre Foucault. Cahier d'Etude Historique de la Médecine toulousaine, 1999, n° 7.
Document à télécharger sur le site http://cehm.toulouse.free.fr/.

Un savant du XVIIème siècle : Pierre Borel, par Michel Durand-Delga. Ce site

PF

* Il est utile de signaler qu'il s'agit de Borel avec 1 seul r, et non Borrel (même si la rue de ce nom à Castres a 2 r !). Il en est de même de Jacques Borelly, alias Borel (cf. Pierre Chabbert "Jacques Borelly (16..-1689), membre de l'Académie royale des sciences" in Revue d'histoire des sciences et de leurs applications, Paris, P.U.F.).

A. Balssa