Géologie du Tarn


Le rythme de croisière de la géologie tarnaise au XXe siècle.


Le développement des recherches va être étroitement lié à la réalisation des éditions successives de la Carte géologique détaillée de la France. Ces cartes et leurs notices représentent en effet un document essentiel pour la connaissance, à la fois analytique et synthétique, de l’évolution géologique régionale, voire locale. L’établissement de la première édition des trois feuilles au 80.000e de « Montauban », « Albi » et « Castres » se fit autour de 1900 : pour le socle domine le nom de Bergeron, celui de Thévenin pour la Grésigne et le Quercy, enfin celui de Vasseur pour la Molasse.

Presque un demi-siècle plus tard, Gèze est le responsable essentiel de la deuxième édition des feuilles « Montauban », « Cahors » et « Castres ». Les choses changent après 1970 du fait de l’augmentation exponentielle du nombre de chercheurs universitaires. En deux décennies, une vingtaine de diplômes « de 3ème cycle » sont consacrés au Tarn, sur la Grésigne ou sur le Haut-Albigeois et le Sidobre. Ils sont pour la plupart le fait d’étudiants de l’université Paul-Sabatier de Toulouse, et certains furent prolongés en thèses de doctorats d’Etat. A de rares exceptions près, les géologues amateurs ont presque entièrement disparu. Seul, bien que professeur à Toulouse, Louis Mengaud (1876 – 1957), originaire de Briatexte, jouera un peu ce rôle, en égrenant de 1909 à 1945 une douzaine de courtes notes, relatives à la Molasse tertiaire, au Quaternaire alluvial, aux sondages de recherche d’eau. En 1939, il fera le point sur la région dans ses « Notions de géologie tarnaise ».

Les acquis principaux des travaux du 20e siècle, outre les considérables précisions obtenues depuis maintenant un quart de siècle par la nouvelle carte au 50.000e, cette fois sur un fond en courbes de niveau, peuvent être ainsi résumés :

SUR LE SOCLE ANCIEN

Jules Bergeron (1853 – 1919). Ses travaux sur le socle ancien ont ouvert l’ère moderne. Ce grand bourgeois parisien, professeur à l’Ecole Centrale, présida la Société géologique de France. Spécialiste des terrains primaires, bon connaisseur de la Montagne Noire et du Haut-Albigeois, il écrivit une thèse « Etude géologique du massif ancien situé au sud du Plateau Central » (1889) puis, affinant sa pensée, se convainquit progressivement de l’existence de nappes de charriage au flanc sud de la Montagne Noire (Hérault).

Marcel Thoral (1900 – 1956), professeur aux universités de Montpellier puis de Lyon, précisera la stratigraphie du Primaire et découvrira de belles faunes de Trilobites, dont l’abbé Courtessole développera brillamment l’étude à la fin du 20ème siècle.

Un pas essentiel est franchi avec la thèse de Bernard Gèze. Dans son « Etude géologique de la Montagne Noire et des Cévennes méridionales » (1949), à l’issue d’une analyse cartographique exemplaire, il synthétisera la structure de cet immense domaine, en considérant que sa « zone axiale » métamorphique est encadrée d’unités tectoniques déplacées, convergeant vers elle : au Nord, les écailles des Monts de Lacaune, et, au Sud, de grandes nappes de charriage à matériel primaire, en série totalement renversée.

Il ne peut être question d’évoquer ici les innombrables travaux de la foule de géologues d’horizons et de disciplines variées qui, après Gèze, se sont précipités pour tenter de percer les mystères de la Montagne Noire, une des régions de France les plus étudiées, sinon comprises.

Un résultat important est acquis par Jacqueline Guérangé-Lozes dans sa thèse (1987) sur « Les nappes varisques [= hercyniennes] de l’Albigeois cristallin » : ses travaux cartographiques pour le B.R.G.M. ont abouti à la définition de deux grandes nappes de charriage à matériel schisteux, poussés, par dessus les unités des Monts de Lacaune, vers la « Zone axiale ».

Michel Demange, dans sa thèse « Etude géologique du massif de l’Agoût » (1982) étudia patiemment cette « Zone axiale ». A la suite de nombreux travaux, il vient de brosser, pour cette bordure sud de la chaîne hercynienne, un impressionnant tableau d’unités tectoniques empilées en direction du Sud. On aurait, de haut en bas et du Nord au Sud (fig. 6), des nappes « internes » septentrionales (du Lévezou à Réalmont, avec une trace possible sous la pile de rive droite du pont du chemin de fer d’Albi-Carmaux sur le Tarn !), au-dessus des nappes schisteuses « albigeoises » (celles de J .Lozes), superposées à des nappes « occitanes » (Monts de Lacaune et unités du flanc sud de la Montagne Noire), sous lesquelles perce un domaine « catalan » (Zone axiale), intensément replissé sur lui-même. Ce grandiose schéma (1998, « Contribution au problème de la formation de la Zone axiale de la Montagne Noire », Géol. France, BRGM, n°4, p.3-56) est accompagné d’une longue liste bibliographique à laquelle on renvoie le lecteur intéressé.

LE MASSIF DE LA GRESIGNE

Il attirera lui aussi, au 20e siècle, bien des chercheurs. La stratigraphie des terrains secondaires fit l’objet de la belle thèse d’Armand Thévenin (1870 – 1918), « Etude géologique de la bordure sud-ouest du Massif Central ». Eugène Fournier (1871-1941) étudiera en 1898 la structure du « dôme de la Grésigne », pli « pyrénéen » dont le flanc méridional lui montra le renversement des couches et leur étirement : ce que, beaucoup plus tard développeront successivement François Ellenberger – dont la grande figure sera décrite plus loin – dans deux remarquables articles de 1937 et 1938, Bernard Gèze et l’auteur de ces lignes. La Grésigne apparaît aujourd’hui (fig. 7) à la pointe d’un « bloc crustal quercynois » triangulaire, poussé vers le Sud, et encadré par les deux failles convergentes de Villefranche (à l’Est) et de la Vère (à l’Ouest). Ainsi est né « un chevauchement sud-grésignol », qui a fait l’objet de plusieurs interprétations quant à son ampleur et à sa géométrie profonde.

De 1970 à 1990, chacun des niveaux stratigraphiques de la Grésigne a fait l’objet de monographies d’étudiants de l’université Paul-Sabatier : Houiller et Permien, Trias et surtout Lias, qui sera par la suite l’objet des recherches modernes, axées sur la dynamique sédimentaire, de René Cubaynes (thèse de 1986, « Le Lias du Quercy méridional »). Quant au talus des « conglomérats de la Grésigne », il s’est édifié, on le sait, par destruction de diverses assises (Lias à Permien) du flanc sud et jusqu’au cœur du pli en cours de formation. De vives discussions ont eu lieu sur l’âge de ces conglomérats (éocènes pour les uns, oligocènes et synchro-Molasse pour les autres). Actuellement, l’option « éocène » semble avoir l’avantage (B. Muratet).

LA MOLASSE TERTIAIRE

Elle a livré à de nombreux chercheurs des ossements de Vertébrés, spécialement à l’époque, révolue, des carrières d’argiles et de calcaires.
A la fin du 19e siècle, pour le lever de la carte géologique régulière, l’équipe marseillaise dirigée par le professeur Gaston Vasseur (1855 – 1915), que l’Institut accueillera un jour en son sein, avec ses collaborateurs Joseph Répelin (1862 – 1942) et Joseph Blayac (1865 – 1936), cartographia à l’échelle du 80.000e les molasse tertiaires d’Aquitaine et spécialement le Castrais et l’Albigeois, dont une excellente colonne stratigraphique fut tirée. Blayac, en 1930, en donnera une synthèse remarquée, pour le centenaire de la Société géologique. Enfin

Michel Mouline, de l’université de Bordeaux, a écrit en 1989 une imposante thèse de doctorat « Sédimentation continentale en zone cratonique : le Castrais et l’Albigeois au Tertiaire » : à la suite d’une analyse ultra-détaillée pour le lever des feuilles géologiques au 50.000e, il interprète les processus sédimentaires régissant cette sédimentation que, jusqu’à lui, on disait « molassique ».

LA MORPHOLOGIE DE LA REGION TARNAISE

Elle n ’a pas été négligée. D’éminents géographes ont traité de la genèse des paysages du Sud du Massif Central ou de l’Aquitaine. Elève du célèbre Emmanuel de Martonne (1873 – 1955) – celui-ci séjourna souvent dans le Tarn et entra à l’Académie des Sciences, prouesse pour un géographe ! – , André David (1894 – 1915) sera l’auteur d’un article remarqué, « Le relief de la Montagne Noire » (1920, posth.).
Suivront Henri Baulig (thèse, 1928, sur « Le Plateau central et sa bordure méditerranéenne »), puis H. Enjalbert (1961, « Le Pays aquitain »).
Unissant le souci du géographe à l’esprit du géologue, Christian Giusti vient enfin de donner, dans sa thèse (2002) sur « Le Sud du Massif Central… » une importante étude sur l’élaboration des aplanissements : il montre ainsi les rapports entre un « aplanissement régional » (avec deux niveaux) dans les hauts reliefs, de genèse éo-oligocène, et une « surface de piedmont », développée au-dessus de la Molasse miocène.

 

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